À Lubumbashi, capitale minière de la RD Congo, la crise affecte des milliers de familles
Naguère encore, Divin Lwamba pouvait se permettre un plein de provisions d’un mois pour ses neuf enfants. Aujourd’hui, il peine à joindre les deux bouts, victime comme tant d’autres de la crise qui frappe le secteur minier dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RD Congo).
« Depuis que les prix du cuivre ont chuté, ce que je gagne chaque jour couvre tout juste nos dépenses alimentaires quotidiennes », déplore ce vendeur ambulant de samoussas (beignets à la viande ou aux légumes) au grand marché de Lubumbashi, capitale de l’ex-Katanga, la grande province productrice du cuivre de la RD Congo.
« Aujourd’hui, sauf à puiser dans mon capital, je ne peux plus vivre comme avant et bientôt je n’aurai plus rien », lâche ce père de neuf enfants, se souvenant avec nostalgie de ses ventes record du début de l’année, où il lui est arrivé d’atteindre 300 000 francs congolais (300 dollars) de recettes journalières.
Depuis février, selon ses dires, il est à la peine pour réunir ne serait-ce que le tiers de ce chiffre d’affaires.
Recul de la croissance
Cinquième producteur mondial de cuivre et premier de cobalt (chiffres 2014), la RDC a enregistré une forte croissance économique de 2010 à 2014, tirée par l’extraction minière.
En 2015, la croissance a nettement fléchi sous le coup de la baisse des cours des matières premières entraînée par le ralentissement économique de la Chine, et le gouvernement ne table plus pour 2016 que sur une hausse du PIB congolais de 6,6 %. Selon la Banque centrale, la croissance ne devrait être que de 5,3 % cette année.
À Lubumbashi, les difficultés dans les mines ont rapidement contaminé d’autres secteurs d’activité.
Selon la Chambre des mines, la production de cuivre a chuté de -11,6 % sur un an au premier trimestre, celle de cobalt de -16,3 %, et plusieurs entreprises ont arrêté leur production au Katanga. Certaines temporairement, d’autres définitivement.
D’ores et déjà, la Chambre des mines estime que les entreprises minières ont supprimé 3 000 emplois et leurs sous-traitants plus de 10 000 emplois.
« Les Chinois sont partis »
Ces chiffres ne donnent qu’une idée partielle des effets de la crise.
Dans un pays où la quasi-totalité de la population vit dans la grande pauvreté, « un emploi perdu en direct ou dans la périphérie de la sous-traitance entraîne des conséquences sur les familles, donc il faut compter un minimum de 10 personnes impactées » par la perte d’un emploi, selon un analyste cité par l’AFP.
Dieudonné Kisimba Selemani, administrateur de la société Congo Steel Mills, estime pour sa part qu’un employé d’une entreprise minière – une position sociale enviable – subvient en permanence aux besoins de 20 personnes, compte tenu de la forte tradition d’entraide familiale en RD Congo, rapporte l’agence.
Son entreprise, qui fournit du fer à béton pour les installations des entreprises minières, a été obligée de licencier un tiers de son personnel en quelques mois et ne compte plus désormais que 200 employés, dit-il. Bien que cette société ait baissé ses prix de -15%, de nombreux clients ont mis la clé sous le paillasson.
Le quartier industriel de Lubumbashi, à la sortie nord-ouest de la ville, où est situé Congo Still Mills, est étrangement peu bruyant.
De l’autre côté de la rue, le terrain occupé par Congo Wise Mining est vide. « Les Chinois [qui tenaient l’entreprise] sont partis en février. Tout le monde a été renvoyé », explique une sentinelle.
Le garde désigne une carrière à ciel ouvert à quelques centaines de mètres où les ouvriers licenciés sont venus grossir le nombre des « creuseurs artisanaux », ces mineurs clandestins qui se comptent par dizaines de milliers au Katanga.
Ici, on produit des gravats pour la construction. Des enfants et des adolescents burinent au côté d’adultes des deux sexes dans une nuée de poussière.
Les acheteurs se font rares
Thérèse Nkolo, infirmière de formation, la cinquantaine, a divisé par trois ses prix de vente depuis février. Malgré cela, elle vend « rarement » et éprouve des difficultés à payer son transport et nourrir ses deux enfants.
Au grand marché, les vendeurs se plaignent de devoir rester tard, sans certitude de pouvoir épuiser leur stock, les acheteurs se faisant rares.
« À la fin de la journée, j’accepte n’importe quel prix de vente pourvu qu’il n’y ait pas d’invendus », confie Berthe Kalanga derrière deux bassines de poissons frais.
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