Tribune : pour en finir avec les violences faites aux veuves en Afrique
À l’occasion de la sixième Journée internationale des veuves, qui a lieu chaque année le 23 juin, Sylvia Bongo Ondimba et Jeannette Kagame, respectivement premières dames du Gabon et du Rwanda, mettent en garde contre la stigmatisation et les abus dont sont trop souvent l’objet les femmes ayant perdu leur époux.
Nos attentes étaient grandes en septembre dernier lorsque, réunies à New York, nous assistions à l’adoption des Objectifs de Développement Durable dont le numéro cinq est de parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser les femmes et les filles.
Multiplication des conflits
Pourtant, l’année 2016 restera profondément marquée par des développements moins positifs, à commencer par la multiplication des conflits à travers le monde dont les femmes sont malheureusement souvent les premières victimes. Après avoir perdu leur époux, elles sont stigmatisées et victimes d’abus alors qu’elles sont au cœur de toute reconstruction et de tout développement.
Il est de notre devoir non seulement de les protéger mais aussi de leur donner les moyens de révéler pleinement leur potentiel. C’est tout l’enjeu de la Journée internationale des veuves qui fut adoptée par consensus lors de l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2010, sur proposition d’un projet de résolution du Gabon, siégeant alors à la présidence du Conseil de sécurité, et dont nous célébrons le 23 juin 2016, la sixième édition.
Lever les barrières
Aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel que notre engagement aux côtés des veuves ne faiblisse pas et qu’il soit, au contraire, l’opportunité de lever les barrières qui empêchent encore les femmes de jouer un rôle de premier plan dans le développement économique.
N’oublions pas qu’il a fallu plus de 150 ans depuis l’adoption de la Journée internationale des Femmes au début du 19e siècle pour que la plupart des femmes dans le monde obtiennent le droit de vote, qu’elles aient accès à une éducation de qualité et puissent exercer les mêmes métiers que les hommes. Il n’est donc pas étonnant que la Journée internationale des veuves ne marque que le début d’un long combat pour la protection de ces femmes spoliées injustement et chassées de leur domicile par leurs belles-familles comme c’est encore le cas dans tant de pays du monde et plus particulièrement en Afrique et en Asie.
81 millions de veuves dans le monde auraient été victimes d’abus sexuels
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur 258 millions de veuves dans le monde, plus de 115 millions vivent dans une pauvreté extrême, certaines confrontées à l’ostracisme, à la violence, à la privation de logement, à la maladie ou à la discrimination juridique et sociale ; et 81 millions auraient été victimes d’abus sexuels tandis que 1,5 million de leurs enfants décèdent avant leur cinquième anniversaire. En 2011, un rapport d’experts commandé par la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la Famille sur la situation spécifique des veuves au Gabon a confirmé que 47% d’entre elles étaient victimes de maltraitance et de spoliation tandis que seulement 21% rentraient dans leurs droits.
Des progrès déjà accomplis
En tant que premières dames, en tant que mères et en tant que femmes, notre engagement et notre plaidoyer n’a qu’un seul objectif : nous assurer que les conditions de vie des veuves ne mettent pas un siècle à s’améliorer. Des progrès considérables ont déjà été accomplis, notamment au Gabon qui a fait de la protection des veuves une de ses priorités. Parmi les mesures les plus symboliques, on compte par exemple la création de l’Observatoire national de protection des droits de la famille (ONPDF) et d’un Fonds national d’aide sociale (FNAS), ainsi qu’un certain nombre de textes réglementaires et législatifs visant à protéger les droits des veuves en fixant par exemple les modalités de partage du capital décès aux ayants-droits ou encore le régime de l’assistance judiciaire.
Nous assurer que les conditions de vie des veuves ne mettent pas un siècle à s’améliorer
La Journée internationale des veuves est non seulement l’occasion pour le Gabon, le Rwanda et tous ceux qui voudront se joindre à nous, de réitérer nos engagements de développement pour et grâce aux femmes, mais également de nous fixer des objectifs ambitieux pour les années à venir.
Les femmes au cœur du développement
Les femmes sont au cœur du développement et sans leur participation active dans nos économies, l’Afrique ne pourra pas avancer. Pour que nos actions soient efficaces, nous devons garder à l’esprit que l’égalité et l’autonomisation des femmes est à la fois un objectif et une partie de la solution.
Le Rwanda en est d’ailleurs le parfait exemple. Souvent cité comme le modèle même du développement socio-économique africain de ces dernières années, le pays a établi un quota d’au moins 30% de femmes dans les cercles de prise de décision au niveau national et détient le record mondial de 64% de femmes au sein de son Parlement. Cette décision prise au lendemain du génocide des Tutsis qui a décimé plus d’un million d’hommes, de femmes, et d’enfants et laissé des centaines de milliers de veuves et d’orphelins, était motivée par la volonté de ne plus exclure les femmes du domaine public, estimant que les différents membres de la société rwandaise méritent tous d’être traités de manière égale, sans aucune distinction de sexe.
Les veuves dépossédées
C’est aussi dans ce contexte que la loi sur les droits de succession déjà amendée en 1999, vient de faire l’objet d’une nouvelle réforme approuvée par le Sénat, avec pour objectif d’encadrer plus fermement le partage équitable du patrimoine matrimonial entre veuves et autres héritiers légaux du défunt. Trop souvent encore, les femmes, survivantes du génocide ou récemment veuves, se retrouvaient dépossédées suite à des disputes familiales après le décès de leur conjoint, alors même que l’égalité fondamentale des droits entre les sexes reste au cœur du contrat social du Rwanda d’aujourd’hui.
Les filles et jeunes femmes doivent pouvoir profiter des nombreuses opportunités qu’offrent les nouvelles technologies et le développement de entrepreneuriat
Dans cet esprit d’équité indispensable à tous les niveaux, l’autonomisation des femmes est une donnée incontournable. En particulier, afin de participer au développement national et contribuer au changement des mentalités, les filles et jeunes femmes doivent pouvoir profiter des nombreuses opportunités qu’offrent les nouvelles technologies et le développement de entrepreneuriat.
Promouvoir l’accession des femmes à des postes de haute responsabilité
C’est l’objet même de notre engagement social et la ligne directrice des actions de la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la Famille et de la Fondation Imbuto dont les projets en faveur des jeunes filles vise à les soutenir et les inciter à poursuivre de hautes études afin de pouvoir ensuite briguer des postes de haute responsabilité et contribuer aux efforts de développement et d’innovation.
Les actions de la Fondation Imbuto créée par Madame Jeannette Kagamé et dont la mission est de ‘contribuer au développement d’une société prospère, en bonne santé et bien formée’ a déjà eu un impact sur la vie de plus de 4000 jeunes filles, qui ont été récompensées pour leur excellence académique et reçu une formation en technologies de l’information pour celles en fin d’études secondaires; tandis qu’au Gabon, le Livre des Métiers de la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la Famille, continue à aider les élèves à mieux s’orienter, en leur permettant d’avoir une meilleure connaissance du marché du travail et des secteurs porteurs.
Recherche, sciences, innovation
Rappelons que l’Afrique est un continent créatif et résolument tourné vers l’avenir puisqu’y sont créées quelques-unes des meilleures innovations mondiales. Ensemble, encourageons et aidons les jeunes filles à s’investir dans la recherche, les sciences et à oser l’innovation.
C’est cette vision qui guide notre engagement aux côtés des femmes, et le message principal que nous souhaitons adresser aux sociétés africaines à l’occasion de cette sixième Journée internationale des veuves.
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