« La confession de la lionne » : Mia Couto et le réalisme magique
Dans son dernier roman, « La Confession de la lionne », le Mozambicain Mia Couto nous plonge dans une histoire poétique dont il a le secret. Où les attaques de lions visant les femmes d’un village sont au coeur d’un récit plein de mystères.
On le sait, Mia Couto n’a pas son pareil pour brouiller la frontière entre la raison et la superstition, l’éveil et le rêve, la vie et la mort. La Confession de la lionne s’inscrit dans cette veine du réalisme magique popularisée par feu Gabriel García Márquez.
Côté réalisme, cette "explication liminaire" de l’écrivain (et biologiste) mozambicain : "En 2008, l’entreprise dans laquelle je travaillais dépêcha dans le nord du pays quinze jeunes hommes pour servir d’agents environnementaux. Les attaques de lions contre les personnes débutèrent à la même époque dans la même région. […] Mes fréquentes visites sur le théâtre du drame m’ont suggéré l’histoire que je rapporte ici, inspirée de faits et de personnages réels." Côté magie, les quelque 200 pages qui suivent.
Nous sommes à Kulumani, localité déshéritée du Mozambique (ne cherchez pas sur Google Maps, vous vous retrouveriez en Inde). Pour sauver les villageois – ou plutôt les villageoises, les attaques ne touchant que des femmes – des griffes des lions, les autorités font appel à Arcanjo Baleiro, dernier chasseur digne de ce nom – pour lui, les autres ne sont que des "tueurs".
N’a-t-il pas, quelques années plus tôt, débarrassé les mêmes lieux d’un dangereux crocodile et, par la même occasion, fait chavirer le coeur de la jeune Mariamar, soeur de la dernière victime des fauves ? Le voici donc de retour, accompagné d’un écrivain, appareil photo en bandoulière et carnet à la main, avide de rendre compte de cette partie de chasse.
Beaucoup de mystères dans ce livre. Des personnages ambivalents, pauvres humains le jour, puissants félins la nuit. Un passé ténébreux, tissé d’histoires de famille comme on ne les raconte pas au coin du feu. Et tellement de fausses pistes dans cet écheveau de métaphores que l’auteur de L’Accordeur de silences noue sans modération ! Une lionne n’y retrouverait pas ses petits…
Ainsi de la chasse : serait-ce une façon d’évoquer l’écriture ? "Et là, calligraphiée sur le papier, la bête sauvage s’agenouillait à mes pieds", narre Mariamar, femme à la rage rentrée dont la voix, chapitre après chapitre, alterne avec celle d’Arcanjo. Trois lignes plus loin, un autre indice : "Dans un monde d’hommes et de chasseurs, les mots furent ma première arme." Au risque de priver le lecteur du plaisir (ou de l’effort ?) de la traque, gageons que la clé du conte se trouve dans cette phrase. Après tout, ce n’est pas la confession "du lion".
La Confession de la lionne, de Mia Couto,
traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues,
Métailié, 240 pages, 18 euros.
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