Cameroun : ce qui va (peut-être) changer dans le code pénal

Le code pénal camerounais va-t-il faire peau neuve ? L’Assemblée nationale et le Sénat examinent mercredi un projet de loi visant à réviser le texte. Mais celui-ci ne fait pas l’unanimité. Voici ce qu’il faut savoir pour comprendre les débats qu’il suscite.

Montage photo du projet de loi portant révision du code pénal camerounais. © J.A.

Montage photo du projet de loi portant révision du code pénal camerounais. © J.A.

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Publié le 22 juin 2016 Lecture : 5 minutes.

Les députés et les sénateurs camerounais se sont penchés mercredi 22 juin sur le projet de loi du gouvernement portant révision du code pénal. Ce document (que vous pouvez visualiser à la fin de cet article) élaboré par les équipes du ministre de la Justice, Laurent Esso, a pour objectif de moderniser l’ancien code, en y intégrant des dispositions issues de conventions internationales et en incorporant des délits nouveaux.

Outre le fait que la peine de mort y est maintenue, tout comme les articles controversés sur l’homosexualité et la diffusion de « fausses nouvelles », le projet a ses détracteurs, dont le principal n’est autre que l’ordre des avocats du Cameroun. Par la voix de son bâtonnier Jackson Ngnie Kamga, celui-ci déplore notamment le « défaut de concordance entre les versions française et anglaise » et critique bon nombre d’articles nouveaux ou modifiés.

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Pour y voir plus clair, Jeune Afrique a compilé les principales innovations de ce texte, ainsi que les oppositions auxquelles elles font face.

  • Sur les alternatives à la prison

Ce qui est proposé : afin de lutter contre la surpopulation carcérale, le projet de loi introduit deux peines alternatives à l’emprisonnement : le travail d’intérêt général et la sanction-réparation, qui consiste en la réparation matérielle du préjudice de la victime. Sont éligibles à ces alternatives les personnes condamnées à deux ans de prison maximum.

Ce que répondent les détracteurs : le texte est globalement salué par les observateurs. Cela dit, le bâtonnier du Cameroun estime qu’il remplira difficilement son objectif de désengorger les prisons puisqu’une bonne partie des délits passibles de moins de deux ans d’emprisonnement ne peuvent être remboursés matériellement. La sanction-réparation, si elle n’était pas élargie, pourrait donc être purement « cosmétique ».

  • Sur la corruption et les fraudes

Ce qui est proposé : l’un des objectifs du nouveau texte est de renforcer la lutte contre la corruption. Ainsi, la corruption en matière de concours administratifs deviendrait pénalement répréhensible et serait passible de trois mois de prison au maximum. Le délit d’initiés et la non-déclaration de conflits d’intérêts feraient également leur entrée dans le code pénal.

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Ce que répondent les détracteurs : le Conseil de l’ordre des avocats du Cameroun estime que le texte ne va pas assez loin. « Des infractions prévues dans les instruments internationaux liant le Cameroun n’ont pas été transposées dans l’ordre interne », écrit-il, mentionnant l’ « enrichissement illicite » ou le crime de « blanchiment ».

  • Sur le non-paiement des loyers

Ce qui est proposé : afin de restaurer les bailleurs dans leurs droits, et vue « l’inefficacité des procédures civiles », les mauvais payeurs de loyers ne seraient plus seulement poursuivis devant le juge civil, mais aussi au pénal. Les commissariats et les gendarmeries pourraient interpeller les mauvais payeurs, débiteurs de deux mois de loyers, qui risquent jusqu’à trois ans de prison.

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Ce que répondent les opposants : pour le bâtonnier du Cameroun, le droit pénal a pour objet de sanctionner des comportements qui portent manifestement atteinte à l’ordre public et ne peut donc avoir pour objet de « protéger les membres du syndicat des bailleurs contre les impayés des locataires ». En clair, le non-paiement de loyers doit rester de l’ordre du droit civil. De plus, explique l’homme de loi dans son mémorandum, le non-paiement des loyers résulte des aléas de la conjoncture et notamment du non-paiement des salaires, y compris, parfois, par l’État lui-même.

  • Sur le harcèlement sexuel, l’adultère et l’expulsion du domicile conjugal

Ce qui est proposé : afin de lutter contre les discriminations « à l’égard des femmes », un article sur le harcèlement sexuel a été ajouté. Il a pour but de s’attaquer à quiconque userait de son autorité dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Le nouveau code pénal modifierait également les dispositions concernant l’adultère : le mari serait passible des mêmes peines que l’épouse, soit deux à six mois de prison. En outre, l’expulsion du domicile conjugal serait interdite en dehors de toute procédure judiciaire.

Ce que répondent les opposants : sur ce sujet, le texte semble faire consensus.

  • Sur les mutilations génitales

Ce qui est proposé : seraient désormais réprimées les mutilations génitales, tant masculines que féminines et les « atteintes à la croissance d’un organe ». Si le coupable exerce à des fins commerciales, il risque jusqu’à l’emprisonnement à vie.

Ce que répondent les détracteurs : sur le sujet des mutilations génitales, le texte semble faire consensus. En revanche, le Conseil de l’Ordre estime que le texte concernant les atteintes à la croissance d’un organe est imprécis, et suggère donc sa suppression. Selon lui, les dispositions existantes sur les blessures sont suffisantes.

  • Sur la vente illicite de médicaments

Ce qui est proposé : « en vue de renforcer la protection de la santé des populations », une infraction autonome, « la vente illicite de médicaments », serait ajoutée. Menaçant d’un emprisonnement de trois mois à trois ans de prison, elle est destinée à lutter contre le commerce sans autorisation de produits contrefaits, périmés ou non autorisés.

Ce que répond le Conseil de l’Ordre des avocats : dans son mémorandum, le bâtonnier approuve la pénalisation de la vente illicite de médicaments, mais alerte sur l’existence des tradipraticiens, dont la pratique est traditionnelle et non conventionnelle. « Maintenir la rédaction du texte en l’état équivaut à prononcer contre eux un arrêt de mort professionnel ».

  • Sur la mendicité

Ce qui est proposé : hérités d’une loi spéciale, les concepts de mendicité et de mendicité aggravée feraient leur entrée dans le code pénal. Ils concernent les personnes sollicitant la charité tout en ayant des moyens de subsistance. La mendicité est dite aggravée, et passible d’un maximum de six ans de prison, si le coupable est injurieux ou violent ou s’il simule des plaies ou un handicap.

Ce que répondent les détracteurs : le barreau du Cameroun réclame la suppression du texte, qui aurait pour effet de peupler encore davantage les prisons camerounaises. Les opposants estiment quant à eux qu’il contribue à présenter la mendicité comme un métier.

  • Sur la scolarisation des enfants

Ce qui est proposé : le nouveau code pénal intègrerait des dispositions relatives au droit de l’enfant à la scolarisation. Celles-ci n’avaient pas encore été internalisées, étant issues de conventions internationales ratifiées par le pays. Elles visent à empêcher le refus de scolarisation par un parent qui en a les moyens. Celui-ci risque jusqu’à 500 000 francs CFA d’amende et deux ans de prison en cas de récidive.

Ce que répondent les détracteurs : sur ce sujet, le texte semble faire consensus.

  • Sur le droit de manifester

Ce qui est proposé : les manifestations à caractère politique seraient désormais interdites dans les établissements publics et/ou scolaires et universitaires. Cette disposition, auparavant contenue dans une loi spéciale de 1990, ferait son entrée dans le code pénal et vaudrait à l’organisateur de la manifestation de dix jours à quatre mois de prison et/ou une amende de 25 000 à 250 000 francs CFA.

Ce que répondent les détracteurs : Les opposants au texte estiment qu’il pourrait être détourné et porter atteinte à des libertés fondamentales comme le droit de grève.

Pour consulter le projet de loi portant révision du code pénal du Cameroun, c’est ici :

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