Pourquoi la nouvelle stratégie d’Addoha n’a pas convaincu
Au lendemain du lancement de son Plan génération cash, le promoteur immobilier marocain a vu son cours s’effondrer à Casablanca. Chronique d’un grand malentendu.
C’est à n’y rien comprendre. Addoha annonce un nouveau plan stratégique destiné à améliorer le rendement de son titre, à désendetter le groupe et à augmenter sa capacité à générer du cash – tout ce dont rêve un actionnaire… Et, la même semaine, le titre perd 24 % de sa valeur à la Bourse de Casablanca, l’une des plus importantes contre-performances de la Place depuis le début de l’année.
Perplexité
« Le marché n’a pas très bien accueilli la nouvelle vision stratégique d’Addoha », lance un analyste. Cette stratégie, baptisée Plan génération cash, laisse en effet perplexe.
Certes, Addoha annonce vouloir assainir son haut de bilan et booster sa trésorerie, mais pour y arriver, le promoteur immobilier marocain propose de faire une pause dans la croissance, de réduire sa production et de se concentrer sur la liquidation de son lourd passif. Reculer pour mieux rebondir : c’est ce que le groupe d’Anas Sefrioui vend au marché, mais sans avouer clairement que la phase de recul est inéluctable.
« Le message d’Addoha a été brouillé. Son communiqué est un aveu d’échec de la stratégie menée jusque-là. C’est ce qui a été le plus retenu », explique notre analyste. Le groupe avoue avoir souffert de la croissance frénétique des huit dernières années et semble un peu nostalgique de sa situation antérieure à son introduction en Bourse. « Cette réflexion stratégique vise à renouer avec les fondamentaux de la société à la veille de cette opération, tout en maintenant un niveau d’activité permettant de pérenniser sa position de leader dans la promotion immobilière au Maroc », signalait le groupe.
Pression
En 2005, un an avant ladite introduction, le groupe construisait 10 000 logements par an et sa trésorerie était excédentaire de 500 millions de dirhams (près de 45 millions d’euros).
Huit ans plus tard, sa production a explosé, atteignant 25 000 unités. Une forte croissance qui en a fait le leader incontestable du marché, mais qui a engendré un endettement monstre de plus de 9 milliards de dirhams. Cette dette, le géant marocain n’arrive plus à la supporter. « Le plan actuel vise à ramener le taux d’endettement à 30 % en 2017, contre plus de 80 % aujourd’hui », explique la direction. Pour y arriver, elle propose de « monétariser » son bilan, une expression quelque peu nouvelle dans les milieux financiers casablancais. « Il s’agit de transformer en cash les actifs peu liquides et de limiter la création d’autres actifs peu liquides », analyse le management du groupe.
Concrètement, cela se traduira par la réduction de la production de nouveaux logements de près de moitié (de 25 000 à 14 000 unités en 2017), par la liquidation du stock d’invendus et par l’accélération des règlements clients. Idem en Afrique subsaharienne, où le groupe entend freiner son expansion géographique pour se concentrer sur les pays où il est déjà présent. Fini la production à tout va, on se concentre sur le commercial et le recouvrement.
Le groupe d’Anas Sefrioui entend ainsi liquider sur les trois prochaines années 80 % du stock de logements, actuellement valorisé à pas moins de 4,8 milliards de dirhams. Et mettre la pression sur les acheteurs pour réduire les créances des clients à l’équivalent de quatre mois du chiffre d’affaires, alors qu’elles en représentent dix pour le moment. « Cette action aura un impact positif sur la génération de cash puisqu’elle permettra de réduire les créances nettes de 6,5 milliards de dirhams entre fin 2013 et fin 2017 », précise le management d’Addoha.
Pilule
Certes, cette nouvelle stratégie aura un effet positif sur les équilibres financiers du groupe, mais elle devrait freiner considérablement la croissance de ses activités. Pour preuve : sur les trois prochaines années, le chiffre d’affaires devrait stagner autour de 7 milliards de dirhams – loin, très loin des différentes projections publiées par Addoha ces deux dernières années.
« Dans son dernier business plan, le groupe prévoyait un chiffre d’affaires de plus de 10 milliards de dirhams sur cette période. Là, on parle de 7 milliards, ce qui signifie que sa capacité bénéficiaire sera elle aussi affectée », analyse un gérant de portefeuille. Ce que le marché a bien compris et sanctionné de manière assez violente. « Le communiqué d’Addoha a été très bien tourné, mais la pilule n’est pas passée… », constate notre gérant.
Pour un conseiller financier du groupe, il ne s’agit là que d’un grand malentendu : « La logique de la production en grande quantité s’applique dans un marché demandeur. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Addoha doit au contraire être salué pour son effort d’adaptation et sa transparence financière. » Argument sans doute recevable. Sauf que les opérateurs de la Place casablancaise ne l’entendent pas de cette oreille.
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