Affaire Fabienne Kabou : la sorcellerie, un prétexte « culturel » selon les psychiatres

Alors que le procès de Fabienne Kabou à la Cour d’Assises du Pas-de-Calais se poursuit après trois jours d’audience, la personnalité énigmatique de cette mère infanticide d’origine sénégalaise, accusée du meurtre de sa fille de 15 mois en novembre 2013, n’a pas fini de semer le trouble.

Fabienne Kabou à la Cour d’Assises du Pas-de-Calais © Benoît Peyruck/AFP

Fabienne Kabou à la Cour d’Assises du Pas-de-Calais © Benoît Peyruck/AFP

Publié le 23 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

La journée de mercredi a laissé la place aux interventions d’experts chargés de comprendre ce qui a pu pousser Fabienne Kabou à abandonner sa fille sur une plage du nord de la France avant la montée de la marée. La piste de la sorcellerie, dont Fabienne Kabou se dit avoir été victime, divise.

Lundi dernier, Fabienne Kabou affirmait avoir consulté des marabouts et des guérisseurs avant sa grossesse. Interrogée sur le rapport de sa famille à la culture animiste, elle répondait : « Oui, il y a des pratiques animistes. Je n’ai jamais versé là-dedans. Ce sont des choses qui existent, dont on parle et des pratiques tout à fait courantes » , avant d’ajouter néanmoins : « J’ai été élevée dans la bonne instruction catholique ».

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Pas de trace de recherches sur la sorcellerie 

Un expert informatique ayant passé au crible les données de son ordinateur affirme pourtant n’avoir trouvé aucun trace de recherches sur la sorcellerie. Fabienne Kabou se renseignait en revanche sur « la maternité », « la grossesse », ainsi que sur les marées et la symbolique des nombres.

Du côté de son agenda, on trouve des informations anodines (dents d’Ada, finale de Rolland-Garos, etc.) mêlées à des notes plus ambiguës. A la page du 10 mai 2013, on peut lire « hallucinations hypnagogiques », et en août 2013 : « l’étau se resserre ».  

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Le contexte culturel, une piste qui divise

Jean-Christophe Boyer, avocat de la partie civile pour l’association l’Enfant Bleu, souligne d’emblée que l’argument de la sorcellerie n’a été évoqué que tardivement dans le dossier d’instruction.

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Lors d’un vif échange avec le juge d’instruction Hervé Vlamynck, l’avocat de la partie civile reproche à ce dernier d’avoir tendu une perche à Fabienne Kabou durant l’interrogatoire qu’il avait mené en 2013.  Jean-Christophe Boyer s’indigne : « quelle est la différence entre un jihadiste qui tue au nom de Dieu et Madame Kabou aujourd’hui ? ». Et d’ajouter : « Est-ce que les éléments culturels, ce n’est pas une dernière bouée de sauvetage pour se protéger ? ». La présidente ajoute quant à elle : « On a le sentiment, M. le juge, que vous lui fournissez la piste de la sorcellerie et qu’elle s’y engouffre ».

Le juge d’instruction se défend en expliquant que son exploration de la piste de la sorcellerie était uniquement destinée à envisager l’intégration d’éléments culturels dans la dimension psychiatrique du dossier. « Moi, la sorcellerie c’est pas mon truc. Moi ma problématique c’est la psychiatrie », insiste-t-il.

Bien qu’initialement enclin à « anticiper les éventuels aspects culturels du dossier », le juge d’instruction rejette cependant cette piste de manière catégorique, faute d’éléments solides prouvant les visites de Fabienne Kabou à des marabouts :  « J’ai été très ouvert : elle m’aurait donné un tas de nom, un tas de personnes, on aurait tout vérifié. C’est pour ça que je vous dit que la sorcellerie non ! Non, non, non, non ! »

« Une bouée de sauvetage pour se protéger »

L’avocat de la partie civile s’indigne : « quelle est la différence entre un jihadiste qui tue au nom de Dieu et Madame Kabou aujourd’hui ? ». Et d’ajouter : « Est-ce que les éléments culturels, ce n’est pas une dernière bouée de sauvetage pour se protéger ? »

Quant aux experts, ceux-ci offrent un bilan mitigé concernant son état mental. Un premier expert psychologue, Alain Penin, ne la juge « pas atteinte de troubles mentaux ». Pour le psy,  si Fabienne Kabou se dit « victime de manœuvres malfaisantes de la part de femmes jalouses d’elle : ses tantes Marie, Martine et Emma », cette évocation de la sorcellerie serait une « reconstruction secondaire pour expliquer son comportement qu’elle n’arrive pas à expliquer » . 

Elle puise dans sa culture pour justifier le vécu délirant

Enfin, un panel de psychiatres apporte dans leur contre-expertise des explications plus précises à son acte: « Cette enfant n’existant pas au nom de la loi, elle ne peut pas être la cible de personnes malveillantes » explique le docteur Maroussia Wilquin. Diagnostiquant également une altération du discernement due à un « trouble délirant chronique, paranoïaque », ils concluent aujourd’hui: « Elle puise dans sa culture pour justifier le vécu délirant » . 

Ainsi donc, pour les psychiatres, si Fabienne Kabou se dit victime de sorcellerie, c’est que celle-ci, incapable de reconnaître son état mental, tenterait de rationaliser son délire en se penchant « par défaut » sur le contexte culturel « magico-religieux » de son enfance.

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