Tunisie : opération séduction pour Rached Ghannouchi à Paris
Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha, boucle aujourd’hui sa visite de quatre jours à Paris. Objectif : présenter le nouveau visage de son parti et rassurer sur ses desseins, grâce à une campagne de com’ chargée qui l’a mené du Quai d’Orsay au Medef, en passant par l’Assemblée nationale.
« Nous ne sommes pas venus au nom du gouvernement », mais dans le cadre de la « diplomatie populaire », a déclaré le leader historique du mouvement islamiste lors de sa visite à Paris, du 21 au 24 juin. Une diplomatie axée sur la mue de son parti, officialisée lors de son 10è Congrès fin mai, et le renforcement des liens franco-tunisiens.
Première visite sous un nouveau visage
Cette première visite en France du « cheikh » depuis ce tournant doctrinal l’a notamment mené au Quai d’Orsay, où il a été reçu, pour la première fois, par un membre du gouvernement : Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères. Il était accompagné d’une délégation comprenant Lotfi Zitoun, son conseiller politique, Houcine Jaziri et Saida Ounissi, députés d’Ennahdha élus sur la circonscription France nord, Aroua Ben Abess, élue à Tunis 2, Rafik Abdessalem, gendre de Rached Ghannouchi et ex-ministre des Affaires étrangères, et Ridha Idriss membre du Conseil de la Choura.
La rencontre officielle avec les autorités françaises représentait un pas important pour le parti dans sa démarche consensuelle et sa volonté de s’inscrire durablement dans le champ politique tunisien.
« Le mouvement se définit désormais comme un parti civil, démocratique, qui se réfère à la Constitution – dont l’un des fondements est l’islam -, mais aussi aux valeurs modernes » avait expliqué Rached Ghannouchi dans un entretien accordé à Jeune Afrique. Un changement qu’il a présenté à d’autres hauts responsables, de gauche comme de droite, parmi lesquels Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des Affaires étrangères, Hervé Gaymard, député Les Républicains de Savoie, Michel Ménard, député PS et rapporteur à l’Assemblée, ou encore l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Un passage au Medef est également au programme.
Je reçois Monsieur Rached Ghannouchi, Président du Parti Ennahda en #Tunisie. #DirectAN pic.twitter.com/v4SVtAv476
— Claude Bartolone (@claudebartolone) June 23, 2016
Avec ces rencontres, Ennahdha espère aussi rompre avec l’amalgame idéologique qui l’associe souvent au terrorisme et qui ternit son image. Dans un contexte régional tourmenté et après le renversement en 2013 du président islamiste égyptien Mohamed Morsi, « il y a chez Ghannouchi la quasi-obsession de montrer aux partenaires occidentaux qu’Ennahdha, ça n’est pas les Frères musulmans », avait relevé une source diplomatique européenne à la veille du Congrès.
Échanges socio-politiques
Lors d’une rencontre-débat organisée mardi par Ennahdha à Paris, Rached Ghannouchi a également expliqué s’être déplacé dans le but de consolider les relations franco-tunisiennes et d’encourager les investissements français en Tunisie, en vue de la Conférence internationale sur l’investissement, prévue à Tunis fin novembre.
Interrogé par l’agence TAP, il a par ailleurs évoqué le projet de gouvernement d’union nationale, tout en restant évasif sur le sort du chef du gouvernement tunisien Habib Essid : « Le nouveau cabinet serait dirigé par un nouveau chef de gouvernement ou par Habib Essid, ce sont deux hypothèses à ne pas exclure. »
Une première visite en forme d’opération séduction donc, pour donner de chaque côté de la Méditerranée des gages de changement et d’ouverture à quelques mois de la prochaine échéance électorale en Tunisie…
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