Côte d’Ivoire : le blues de l’attiékédrome
Si le manioc est massivement cultivé sur le globe, la Côte d’Ivoire s’enorgueillissait d’être le premier producteur mondial d’attiéké. Coup de théâtre : le continent noir pourrait perdre un nouvel atout concurrentiel…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 23 juin 2016 Lecture : 2 minutes.
Aaaah, l’Afrique… son tourisme… sa faune… ses diamants… son manioc. Même déshérité – ou injustement diabolisé sur bien des plans- le continent noir entend bien appuyer son développement promis sur ses atouts concurrentiels traditionnels. Et pourtant…
Même si le phénomène n’est pas spécifique à l’Afrique, le tourisme a souffert du saupoudrage terroriste de ces derniers mois, des berges atlantiques aux rives de l’océan indien. Si tout s’oublie avec le temps, même les attentats, il se pourrait que les amateurs de safaris aient de mauvaises surprises, lorsque leurs ministères des Affaires étrangères donneront le feu vert à l’exploration de telle ou telle contrée. Au Zimbabwe, par exemple, les autorités des parcs et de la vie sauvage ont mis leur faune en vente, sans préciser les espèces soldées, car les transactions devraient dépendre des propositions reçues. Espérons que quelques beaux spécimens d’animaux, déjà menacés par la sécheresse, échapperont à la grande braderie.
Qu’à cela ne tienne : le continent devrait pouvoir compter sur ces bonnes vieilles ressources minières qui assurent, à tant d’Etat, un magot autant qu’un répit dans l’innovation gouvernementale. Pour une dizaine de pays africains, du Botswana à l’Angola, en passant par la Sierra Leone, l’extraction du diamant constitue une industrie séculaire. L’Afrique fournit 60 % de la production mondiale de brut. Mais voilà que ces nations s’inquiètent de la popularité croissante, en joaillerie, des versions synthétiques de ces pierres précieuses. Récemment, l’ONG Botswana Development Policy Analysis indiquait que les conséquences économiques de la diffusion du diamant artificiel pourraient être catastrophiques.
Que restera-t-il alors à l’Africain, s’il ne peut plus vanter ses gemmes ou ses fauves ? Ses menus exotiques ? Exotiques pour qui ? Pas pour les Chinois, manifestement. Ces derniers jours, l’information s’est répandue comme une traînée de poudre sur la lagune Ebrié : réputée premier consommateur africain d’attiéké, la Côte d’Ivoire ne serait plus le premier producteur mondial de ce couscous de manioc, celui-là même qui était effectivement en voie de pénurie, ces dernières semaines, en Afrique de l’Ouest. Crime de lèse-majesté gastronomique : la première place reviendrait à la Chine, selon François Zako, promoteur ivoirien de plusieurs salons d’exposition. Relayé par plusieurs médias ivoiriens, l’entrepreneur indique que l’Empire du milieu consacre désormais de grandes étendues de plantations à la racine tubérisée et qu’il a développé une technologie performante de transformation du manioc en attiéké. Au sursaut d’orgueil ivoirien pourrait répondre un rappel historique : comme le maïs, la tomate ou le tournesol, le manioc est un don de… l’Amérique pré-colombienne à l’agriculture mondiale. Que l’Histoire concède au moins que l’invention de l’attiéké aura été une contribution ivoirienne.
Peut-on déjà, en plein Shangaï, siroter du tchapalo dans un allocodrome ?
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