Algérie : la police empêche le journal El Watan de s’installer dans ses nouveaux locaux

Le 23 juin, la police algérienne a empêché le journal El Watan de s’installer dans ses nouveaux locaux au motif que le bâtiment ne possède pas de certificat d’exploitation.

Le journaliste Ali Soumana est connu pour ses critiques adressées au régime. © Flickr/CC/Maya-Anaïs Yataghène

Le journaliste Ali Soumana est connu pour ses critiques adressées au régime. © Flickr/CC/Maya-Anaïs Yataghène

FARID-ALILAT_2024 ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 24 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Le nouveau siège du quotidien El Watan, un des plus grands tirages de la presse francophone, a été encerclé par la police dans la soirée jeudi 23 juin. Motif : le bâtiment ne possède pas de certificat permettant son exploitation.

« À 23h45, nos équipes chargées du déménagement ont vu débarquer une dizaine de fourgonnettes de police pour leur demander d’arrêter sous prétexte qu’elles ne possèdent pas un certificat d’exploitation du nouvel immeuble », raconte Adlène Meddi, rédacteur en chef de l’édition du week-end du journal El Watan.

la suite après cette publicité

« Des policiers, sans aucun mandat de justice, se sont présentés jeudi soir pour interdire au personnel chargé du déménagement d’entrer dans l’immeuble, raconte Ali Boukhelif, membre de la rédaction. Le wali (préfet) a fini par donner ordre de nous laisser entrer tout en émettant des réserves sur le parking. Ce matin, un officier de police est arrivé avec des ‘contre-ordres’ pour nous empêcher d’occuper le siège. »

Un couac foncier

Les autorités contestent l’acquisition d’un petit terrain communal jouxtant l’immeuble alors que le quotidien assure que cette parcelle lui a été léguée par la commune. Cela fait 10 ans que la direction d’El Watan a déposé une demande pour avoir un permis d’exploitation qu’elle n’a jamais eu. Le bâtiment, sis au quartier « Ruisseau », à l’est d’Alger, était en construction depuis 2004.

Explications du directeur de la publication, Omar Belhouchet, cité par le site du journal : « Effectivement, il y a une partie du parking qui est en litige avec les autorités. Mais hier soir (jeudi), on s’est engagé avec le wali délégué de Hussein Dey et [le maire] de Kouba de séparer cette partie en litige avec une barrière et nous laisser continuer le déménagement le matin ».

La presse dans le collimateur du pouvoir

Ce vendredi 24 juin, les équipes d’El Watan ont donc regagné leur ancien siège, sis à la Maison de la Presse Tahar Djaout, au centre de la capitale. La forte présence de la police autour du nouveau siège n’a pas empêché la parution du supplément Week-end d’El Watan. Dans les anciens locaux, journalistes, responsables et équipes techniques préparent dans l’angoisse et l’incertitude l’édition du samedi 25 juin dans l’attente d’une notification écrite de la part des pouvoirs publics expliquant exactement la nature du document qu’elles exigent de la part des responsables de cette publication.

« De toutes les façons, l’absence d’un simple certificat d’exploitation ne justifie pas une descente musclée de la police à une heure tardive de la nuit », constate Adlène Meddi. Pour lui, il s’agit d’une nouvelle intimidation de la part du pouvoir qui entretient des relations pour le moins tendues avec ce quotidien qui a été fondé en octobre 1990 dans la foulée de l’ouverture du champ politique et médiatique.

Les tensions entre le journal dirigé par Omar Belhouchet et le pouvoir se sont exacerbées depuis la nomination, en mai 2014, du journaliste et écrivain Hamid Grine à la tête du ministère de la Communication. El Watan accuse le ministre de proférer des menaces et d’exercer pressions et intimidations en incitant notamment les annonceurs privés à ne pas confier leurs budgets publicité à ce quotidien francophone. Le ministre se défend de tentations liberticides et se dit victime d’une cabale orchestrée par un groupe de journaux qui se sont constitués en lobby défaitiste et antinational.

Le bras de fer entre El Watan et les autorités intervient au moment où celles-ci ont engagé dans une bataille judiciaire au sujet du rachat du quotidien El Khabar par l’homme d’affaires Issad Rebrab, PDG du groupe agroalimentaire Cevital.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Omar Belhouchet est directeur du quotidien francophone « El Watan ». © DR

Omar Belhouchet : « Nous n’excluons pas un retour des violences contre les journalistes algériens »

Contenus partenaires