Quand la France se réveillera…
Quelle image ! Les dizaines de milliers de supporters venus assister à l’Euro 2016 de football n’en reviennent pas.
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 27 juin 2016 Lecture : 4 minutes.
Ils découvrent une France aux antipodes de la nation glamour qu’ils imaginaient. Grèves en tout genre (notamment des contrôleurs aériens, des pilotes d’Air France et des cheminots, comme par hasard…), manifestations et conflits sociaux quasi quotidiens, scènes de violence dans les rues – vitrines brisées, commerces saccagés, mini-barricades, pneus brûlés, affrontements entre casseurs et forces de l’ordre. Une atmosphère insurrectionnelle qui a conduit les médias internationaux à verser de plus belle dans le French bashing et leurs homologues nationaux à se livrer à un autodénigrement pour le moins démoralisant.
Cerise pourrie sur le gâteau rance, une météo exécrable. La France va mal, la France déprime, et cela se voit. La colère gronde en permanence à propos de tout et de rien, nourrie par une frustration qui a gagné tous les pans de la société. Aujourd’hui, c’est la réforme relativement minimaliste de la réglementation du travail qui suscite l’ire populaire dans un pays où le chômage, visiblement structurel, tourne autour de 10 % depuis trois décennies.
Et pendant que les partis dits « classiques », à gauche comme à droite, s’enferrent dans les querelles d’ego ou se déchirent sur des projets parfois radicalement opposés, le Front national de Marine Le Pen, capitalisant sur la défiance croissante des électeurs à l’égard de la classe politique traditionnelle, progresse inexorablement, à l’approche de la présidentielle de 2017. Le plus souvent dans l’ombre, en laissant ses adversaires se saborder tout seuls…
Pourtant, malgré cette sinistrose virale, les raisons de croire en des lendemains meilleurs ne manquent pas. Même si ses habitants peinent – ou se refusent par fatalisme – à s’en persuader, la France a toutes les cartes en main pour se réveiller, car elle n’a rien d’une nation intrinsèquement vouée au déclin, malgré une compétition mondiale plus rude que jamais et de nouveaux concurrents qui émergent chaque année, avec d’autres atouts mais aussi d’autres handicaps.
La France a même un potentiel rare : sa population et sa démographie. Avec le taux de fécondité le plus élevé de l’Union européenne, elle devrait voir sa population croître de manière raisonnable au cours du prochain demi-siècle pour atteindre, immigration nette comprise, environ 75 millions d’habitants en 2060. Son vieillissement sera ainsi bien moindre que celui de l’Allemagne, par exemple, dont le nombre d’habitants, lui, devrait baisser d’au moins 15 % sur la même période.
Paris abrite plus de start-up dynamiques qu’on ne le pense
Plus de Français (en âge de travailler), c’est plus de contributeurs à l’activité économique et à la création de richesses, mais aussi aux diverses cotisations sociales, et un atout non négligeable pour réduire une dette publique écrasante. Le cadre économique, les fameux « fondamentaux », incite également à l’optimisme. Sur le plan énergétique, par exemple, le pays produit plus de 70 % de son électricité grâce au nucléaire, fiable et bon marché. Ses champions industriels sont compétitifs : quatre des 100 premières entreprises mondiales par capitalisation boursière sont françaises, alors que l’économie nationale ne contribue que pour moins de 2,4 % au PIB mondial.
Mieux, Paris abrite plus de start-up dynamiques qu’on ne le pense et que ses détracteurs ne le serinent. Londres est devant, certes, mais Berlin, en revanche, est derrière la capitale française en la matière. Ajoutons, pour compléter ce portrait du potentiel hexagonal, un niveau d’éducation global plus que correct, des infrastructures de qualité, une vraie stabilité politique, un sens du patriotisme élevé et, surtout, des atouts géographiques indéniables (position stratégique, agriculture, tourisme, accès à la mer, etc.) et un rayonnement international, historique et culturel qui ne demande qu’à être ravivé. J’allais oublier : la France est membre permanent du Conseil de sécurité et demeure une puissance militaire et nucléaire de premier rang.
Le potentiel est là, et bien là. Les Français devraient s’en persuader et tout mettre en œuvre pour le libérer. Là aussi, les astres semblent s’aligner pour arriver à une configuration politique incitant à l’optimisme. Certes, le tableau actuel est sombre, on l’a vu. Les partis classiques périclitent, le populisme et le nationalisme progressent, la tentation du repli sur soi également.
Les maux de la France sont en grande partie dus aux errements de ses dirigeants, à leur absence de vision et de courage
Les Français semblent tentés par un renversement de table brutal en votant pour l’imposture Marine Le Pen ? Cela aura peut-être le mérite de réveiller ceux qui se disent ses adversaires : les maux de la France sont en grande partie dus aux errements de ses dirigeants, à leur absence de vision et de courage, au fait qu’ils n’ont jamais mené les réformes dont le pays a tant besoin. Que les citoyens crèvent l’abcès ! Qu’ils les obligent à (enfin) changer de modèle de gouvernance, le vrai mal français. S’il faut, pour cela, toucher le fond, et c’est ce qui est en train de se passer, qu’à cela ne tienne !
Car il est un axiome valable partout dans le monde : le principe de réalité économique s’impose tôt ou tard. Comprendre : un jour ou l’autre, et le plus vite sera le mieux, arriveront au pouvoir des hommes et des femmes qui n’auront d’autre choix que de faire ce qui est nécessaire.
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