Michel Combes, Alcatel-Lucent : « L’Afrique est une priorité en 2015 »

Grand architecte du redressement de l’équipementier français, le PDG d’Alcatel-Lucent, mise sur le continent pour accélérer la croissance de son groupe.

Michel Combes est le PDG d’Alcatel-Lucent. © Eric Piemont/AFP

Michel Combes est le PDG d’Alcatel-Lucent. © Eric Piemont/AFP

Julien_Clemencot

Publié le 4 février 2015 Lecture : 5 minutes.

Le 6 février, Alcatel-Lucent annoncera ses résultats financiers pour l’année 2014. Michel Combes, son PDG, assure qu’ils seront meilleurs qu’en 2013 et prédit un retour aux bénéfices à la fin de l’année. Arrivé à mi-parcours, le plan de transformation Shift – adopté en juin 2013, ce programme devrait permettre des réductions de coûts d’un milliard d’euros par an à partir de 2015 – a redonné du souffle à l’équipementier français. Désormais, son patron veut accélérer la croissance du chiffre d’affaires en mettant l’accent sur de nouveaux marchés, à commencer par l’Afrique où Alcatel-Lucent vient de signer un contrat de 300 millions de dollars en Afrique du Sud avec l’opérateur Vodacom. Pour Jeune Afrique, le patron détaille sa stratégie.

Quelles sont les perspectives pour Alcatel-Lucent en 2015 ? Si on s’en tient aux notes des analystes financiers, le marché semble adhérer à votre stratégie.

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Je ne commente pas les objectifs de cours. Mais la tendance est bonne. Toutes nos notes sont positives ou neutres. Le marché a constaté que nous tenons nos engagements. Le volet financier du plan a été clos mi-2014 lorsque nous avons bouclé notre refinancement et remboursé la dette gagée de nos brevets. Alcatel-Lucent devrait redevenir bénéficiaire dès 2015.

Alcatel-Lucent devrait redevenir bénéficiaire dès 2015.

Cela valide les orientations prises au moment du lancement du plan Shift. À savoir un positionnement du groupe sur les réseaux IP (conçus pour internet), le très haut débit et le cloud (utilisation de serveurs informatiques distants), qui correspond à la très forte accélération des échanges de données observée partout.

Je suis allé au Consumer Electronics Show de Las Vegas (du 6 au 9 janvier) et j’ai été bluffé par l’explosion des objets connectés. L’industrie vient à nous.

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Le plan de transformation Shift durera encore 18 mois. Doit-on attendre de nouveaux changements dans la stratégie du groupe ?

L’objectif est d’accélérer notre croissance. Cela passe par une diversification de notre clientèle, en visant au delà des opérateurs télécoms, les cablo-opérateurs, les opérateurs du web, les très grandes entreprises, les groupes impliqués dans la gestion de l’eau, de l’éléctricité et les services gouvernementaux.

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Pour y arriver, j’ai également défini deux nouvelles priorités géographiques : l’Asie, notamment au Japon qui investit beaucoup dans les télécoms, ainsi que le Moyen Orient et l’Afrique. Notre exposition sur le marché américain est très forte. C’est une bonne chose car il est en plein essor, mais il convient quand même de rééquilibrer notre présence pour limiter les risques.

Le continent accuse encore un retard dans l’adoption des dernières technologies qui font la force d’Alcatel-Lucent. Quels types de marchés visez-vous ?

Alcatel-Lucent a largement contribué à relier les côtes africaines au reste du monde grâce aux câbles sous-marins. Maintenant, nous voulons intervenir à l’intérieur du continent en prolongeant ces infrastructures via des technologies fixes et mobiles. Les grands opérateurs mobiles consentent actuellement d’importants investissement dans les domaines du transport et du routage. Ces dernières années, notre présence en Afrique avait reculé, mais depuis quelques mois, nous regagnons des parts de marchés. Et en décembre, nous avons par exemple signé un contrat qui permettra à Vodacom Afrique du Sud d’offrir des accès Internet très haut débit aux entreprises et aux particuliers via la fibre optique. C’est une solution similaire à celles déployées en Europe. Nous sommes également impliqués dans des projets gouvernementaux au Burkina Faso, au delà des infrastructures de transport et d’accès, pour mettre en place des solutions de cloud computing.

Allez-vous également miser sur des contrats de management de réseaux ?

Effectivement. Il y a sur le continent une forte demande des opérateurs de téléphonie mobile pour des contrats de management. Quand je suis arrivé à la tête d’Alcatel-Lucent, j’ai annoncé notre sortie d’une quinzaine de contrats de services parce qu’ils généraient une perte de 100 millions de dollars par an. Depuis nous avons revu l’industrialisation de nos process et nous faisons le pari du développement de cette activité. L’Afrique va montrer la voie au reste du groupe.

Quel est le niveau de votre croissance sur le continent ?

Nous ne divulguons pas ces informations, mais c’est une croissance à deux chiffres, qui à moyen terme devra avoir la même rentabilité que partout ailleurs dans le monde.

Le gouvernement français pousse les entreprises à chasser en meute. Est ce le cas d’Alcatel-Lucent ?

Pas lorsque nous travaillons avec les opérateurs parce qu’il s’agit de notre coeur de métier. En revanche, dans le cadre de projets gouvernementaux, nous mettons en place l’équipe de France en impliquant suivant les cas la caisse des dépôts, Coface, des fonds d’infrastructures et des spécialistes comme Axione (filiale de Bouygues spécialisée dans le déploiement et la gestion de réseaux, ndlr). Nous sommes face aux groupes chinois qui ont la capacité à intégrer toutes ces dimensions. Il était important de se mettre en ordre de bataille pour être compétitif et offrir une vraie alternative.

Il était important pour les groupes français de se mettre en ordre de bataille pour être compétitif et offrir une vraie alternative.

Au mois de décembre, Willem Hendrickx a pris les rênes de la région Europe, Moyen-Orient et Afrique. Qui va mener l’offensive sur le continent, vous ou lui ?

C’est sa zone c’est à lui de mener l’offensive. Mais il est normal que j’incarne aussi la priorité donnée au continent. Ce serait difficile de décréter une guerre économique sans aller sur le terrain. D’ici quelques semaines, je me rendrai au Sénégal, puis en Afrique du Sud où je suis déjà allé quatre fois. Je dois aussi confirmer une mission en Afrique du nord.

Vous connaissez personnellement plusieurs patrons d’opérateurs, est ce un avantage pour Alcatel Lucent ?

Effectivement, je connais très bien Marc Rennard, patron d’Orange et Mohamed Shameel Aziz Joosub, patron de Vodacom avec lesquels j’ai travaillé dans le passé au sein de France Télécom et de Vodafone. Mais cela n’autorise aucun passe-droit. Orange ne travaille avec nous que si nous avons les bons produits. Reste que cette intimité me permet de mieux comprendre leurs besoins. Passer du temps avec ces patrons a forgé ma conviction concernant le potentiel de l’Afrique. Depuis ma prise de fonction, j’ai aussi développé des relations avec les dirigeants d’Airtel, d’Etisalat, de Telkom…

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