Biens mal acquis : l’oncle de Bachar al-Assad mis en examen à Paris
Le frère de l’ancien président syrien Hafez al-Assad, écarté du pouvoir dans les années 1980, a été mis en examen à Paris dans l’enquête dite de « biens mal acquis », a indiqué mardi une source judiciaire. Il est soupçonné d’avoir détourné massivement de l’argent public pour bâtir sa fortune immobilière en France.
Rifaat al-Assad, 78 ans, l’oncle de l’actuel président syrien Bachar al-Assad, qui faisait l’objet d’un mandat d’amener du juge d’instruction van Ruymbeke, a été mis en examen le 9 juin, a indiqué mardi 28 juin à l’AFP une source judiciaire. Il est inculpé, entre autres, de recel de détournement de fonds publics, blanchiment en bande organisée de fraude fiscale aggravée, et travail dissimulé en bande organisée pour des salaires d’employés non déclarés et payés en liquide.
Interdiction de quitter la France
L’ancien dignitaire du régime syrien est désormais soumis à un contrôle judiciaire et il lui est interdit de quitter le territoire français sauf pour se rendre à Londres pour des raisons médicales, ont précisé des sources judiciaire et proche de l’enquête.
L’association Sherpa, qui avait déposé des plaintes en 2013 et en 2014, s’est félicitée de cette décision dans un communiqué adressé le 28 juin. L’enquête illustre la prise en compte grandissante par la justice française des affaires de « biens mal acquis », ces fortunes suspectes amassées par des chefs d’État étrangers et leur famille « au mépris de l’intérêt des peuples », a commenté l’association.
Fin mai par exemple, le procureur de la République financier a demandé le renvoi du fils du président de Guinée Equatoriale, Teodorìn Nguema Obiang, également poursuivi dans le cadre de l’enquête dite des « biens mal acquis », devant le tribunal correctionnel de Paris.
90 millions d’euros détenus en France
Selon les enquêteurs des douanes, la valeur du patrimoine immobilier détenu en France par Rifaat al-Assad et sa famille – quatre épouses et une dizaine d’enfants -, atteindrait une valeur globale de 90 millions d’euros.
Ces biens acquis en 1984, année de son arrivée en France, et 1988 comprennent : un château et un haras dans le Val-d’Oise, en région parisienne, et plusieurs biens immobiliers dans les quartiers les plus riches de la capitale, dont deux hôtels particuliers, deux immeubles, un terrain ou encore des bureaux à Lyon (sud-est).
Par ailleurs, les enquêteurs ont relevé qu’entre 2002 et 2006, près de 5 millions d’euros ont été retirés en espèces d’un compte au nom d’une épouse de Rifaat al-Assad, explique à l’AFP une source proche de l’enquête.
D’où vient l’argent ?
Entendu une première fois en 2015, Rifaat al-Assad avait répondu que les fonds provenaient du prince héritier et futur roi Abdallah d’Arabie Saoudite. Mais aux yeux du juge, l’oncle de l’actuel président syrien ne fournit qu’un justificatif pour un don de 10 millions de dollars en 1984, « sans rapport avec sa fortune actuelle et son important train de vie », précise cette même source.
Dans son enquête, le juge van Ruymbeke s’appuie sur le témoignage d’un ancien ministre des Affaires étrangères, Abdel Halim Khaddam, lui aussi résidant en France. D’après lui, Hafez al-Assad avait fait verser à son frère quelque 300 millions de dollars en 1984 pour s’en débarrasser, dont 200 venaient des frais de la présidence et 100 d’un prêt libyen, explique à l’AFP une autre source proche de l’enquête.
Un témoignage peu crédible aux yeux de Rifaat al-Assad, qui y voit une volonté de nuire de la part d’un rival. Cependant, les enquêteurs des douanes, qui ont épluché les comptes publics syriens, relèvent que les frais de la présidence avaient considérablement augmenté en 1984, ajoute cette source.
Contactés par l’AFP, les avocats de l’ancien dignitaire syrien n’ont pas réagi.
Ancien pilier du régime syrien
Contraint à l’exil en 1984 après avoir tenté un coup d’État contre son frère, Rifaat al-Assad partageait sa vie entre Londres, Paris et l’Espagne. Cet ancien pilier du régime syrien avait été le chef des forces d’élite de la sécurité intérieure, les Brigades de défense, qu’il dirigeait quand elles ont durement réprimé en 1982 une insurrection islamiste à Hama, au nord de Homs (ouest), faisant entre 10 000 et 40 000 morts selon les estimations.
De retour en Syrie, Rifaat al-Assad fut de nouveau contraint à l’exil en 1998 quand son frère, l’ancien président syrien, Hafez al-Assad lui retira son titre purement honorifique de vice-président. En France, Rifaat al-Assad a été décoré de la légion d’honneur en 1986.
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