Côte d’Ivoire – Pascal Affi N’Guessan : « Que celui qui se dit plus populaire que moi vienne m’affronter au prochain Congrès »
De passage à Paris il y a quelques jours, le président du Front populaire ivoirien (FPI), chef de file de l’opposition ivoirienne, a beaucoup travaillé à l’image de son parti. Plus offensif que jamais, il a répondu aux questions de Jeune Afrique.
Son message, au fil des rencontres avec les médias, les militants et les acteurs institutionnels français n’a pas varié : le FPI est prêt pour un nouveau départ et participera aux prochaines élections législatives. Il est également revenu sur les divisions qui minent toujours son parti et sur ces « frondeurs » qui contestent sa légitimité depuis plusieurs mois.
Jeune Afrique : Le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé se poursuit à La Haye et il risque d’être très long. Que pensez-vous de son déroulement jusqu’ici ?
Pascal Affi N’Guessan : Nous le déplorons. C’est un spectacle humiliant, frustrant, qui cristallise les rancœurs au sein de la société ivoirienne. Une image dégradante, dont la Côte d’Ivoire n’a pas besoin à l’heure actuelle. Dès le début, nous avions dit que le problème n’était pas d’ordre pénal. Après la crise que nous avons vécue, il aurait fallu traiter le problème sous un autre angle, avoir recours à une justice transitionnelle. C’est dans ce sens que nous avons proposé les États généraux de la République comme cadre idéal, permettant aux Ivoiriens de faire la lumière sur les événements d’hier tout en leur permettant de se réconcilier.
Simone Gbagbo est jugée à Abidjan. Le FPI peut-il surmonter ses divisions tant que ces deux procès seront en cours ?
Ces procès auront toujours un impact sur notre formation, c’est évident. En termes de dispersion des énergies, notamment. On ne peut pas suivre les procès, se préoccuper du sort du président Gbagbo et être concentré sur le travail de rassemblement, de restauration du parti, de participation à la vie politique du pays. D’ailleurs, ce que l’on appelle « la fronde » interne n’est qu’une manifestation de cette dispersion des énergies.
Une dispersion qui va sans doute vous amener à vous présenter en ordre « dispersé » aux prochaines législatives…
Nous travaillons à éviter cela. Nos camarades, qui à cause des différents défis auxquels nous sommes confrontés ont pensé qu’il y avait une autre voie, se rendent bien compte qu’en définitive la participation à la vie nationale est incontournable. Cela a été une erreur stratégique de leur part, une faute politique grave. Mais dans la vie politique, on peut commettre des erreurs d’appréciation, d’analyse. Le tout est d’en prendre conscience à un moment donné. Pour eux, ce moment-là est arrivé.
Ils peuvent aujourd’hui reprendre leur place, sans frais, sans dommages. Si certains sont capables de nous faire gagner des sièges de députés, nous sommes prêts à les soutenir. À la suite du dernier comité central, nous avons d’ailleurs mis en place, un groupe de contact de cinq membres, chargé de mener des actions d’approche vers eux, pour que l’on aille ensemble à ces législatives, et ensuite au Congrès du parti. Je pense qu’ils vont saisir cette occasion, car il n’y a pas d’autres solutions. Vont-ils créer un autre parti ? Cela serait suicidaire. Ils sont des militants du FPI et ne l’ont jusqu’à présent jamais renier. Notre porte est ouverte.
Le dossier Gbagbo est politique, et ce n’est que par la politique que nous pourrons le régler
Face aux divisions qui minent votre parti depuis des mois, avez-vous pensé, à un moment donné, à créer votre propre parti ? Un FPI nouveau ?
Jamais. L’idée ne nous a jamais effleuré l’esprit. Le FPI, nous y militons depuis vingt, trente ans pour certains. Nous considérons que le parti est le fruit de cette lutte, de notre engagement à tous. Aujourd’hui nous avons des divergences, comme nous en avons déjà eu dans le passé. Si certains estiment que celles-ci sont insurmontables, au point de le quitter, qu’ils le fassent…
Mais ce n’est pas parce qu’ils quittent le navire que nous devons faire de même. Je dirais même que leur fronde nous a permis d’avancer. Nous avons augmenté le nombre de fédérations sur le territoire, participé au dialogue politique et aux présidentielles, obtenu la libération de prisonniers, favorisé le retour des camarades exilés… Le parti est de plus en plus fort, grâce à une stratégie progressive.
À l’inverse, nos camarades qui ont pris l’autre voie, se retrouvent sans moyens d’atteindre leur seul objectif, qui est de libérer Gbagbo. Un objectif qui est aussi le nôtre d’ailleurs, mais que nous sommes plus en mesure d’atteindre qu’eux. Qu’ont-ils apporté à la cause du président Gbagbo ? Rien. Sinon un discours démobilisateur qui brouille l’image du président, dessert sa cause. Le dossier Gbagbo est politique, et ce n’est que par la politique que nous pourrons le régler.
Vos détracteurs disent que vous ne pouvez créer votre propre parti car les bases militantes, et populaires, du FPI, ne vous suivraient pas. Que leur répondez-vous ?
Que je n’ai jamais eu l’intention de créer un club de soutien autour de ma personne. Un parti cela se construit autour de valeurs et non autour d’une ambition personnelle. Je ne considère pas le FPI comme ma propriété. J’en suis un militant et personne ne peut m’obliger à quitter le parti, pour son seul plaisir. Pourquoi veulent-ils que je parte créer un nouveau parti ? Il faudrait être insensé pour être à la tête d’un parti qui fonctionne et l’abandonner. Si je suis là, c’est que les militants le souhaitent…
Je suis un militant du FPI et continuerai à l’être
Les militants de la base aussi ?
Bien sûr. Ils sont d’accord avec moi. Que ceux qui se disent plus populaires que moi viennent m’affronter au Congrès pour en faire la démonstration. En décembre 2014, j’y étais déjà prêt. Et c’est à ce moment-là, que ces « frondeurs » ont sorti de leur chapeau la candidature de Laurent Gbagbo. Parce qu’ils savaient qu’à ce moment-là, aucun d’entre eux ne pouvait me battre au congrès. Et qu’ils se rassurent, si je suis démocratiquement battu au congrès, je ne quitterai pas non plus le FPI… Je suis un militant du FPI et continuerai à l’être.
Ils veulent donner le sentiment que c’est une affaire de personne, Affi contre Abdoudrahmane Sangaré ou Laurent Akoun, mais ce n’est pas cela. C’est une affaire de ligne de parti. Dans mon équipe, il y a plusieurs anciens ministres, des hauts cadres de l’administration, et ils ne sont pas là pour faire de la figuration. Ils sont tout aussi capables d’occuper le poste de président de parti. Donc même sans moi l’affrontement entre les deux lignes du parti continuerait.
Et ceux qui vous accusent d’accointances avec le pouvoir…
Ce sont des prétextes. Eux-mêmes savent que ce que nous faisons actuellement vise à prendre la place d’Alassane Ouattara, à accéder au pouvoir. Personne ne peut douter de cela. Ce sont des arguments qui servent à cacher des ambitions personnelles, des enfantillages.
Et nous, on ne veut pas se rabaisser à cela, car c’est la vie des Ivoiriens et le futur de la côte d’Ivoire qui sont en jeu. Ces frondeurs sous-estiment le FPI. Ils n’ont pas compris que le président Gbagbo n’était pas le seul à avoir besoin du parti. Ils n’ont pas saisi que c’était un instrument sur lequel comptait la population pour construire son avenir. Donc ils s’amusent avec notre formation, font n’importe quoi. Aujourd’hui certains se promènent partout, dans le pays ou à l’extérieur, avec des titres qu’ils n’ont pas, au nom du parti. Des titres officieux, illégaux. C’est de la « voyouterie » politique. De la part de personnes qui ont occupé des hautes fonctions dans ce pays, n’est-ce pas honteux, franchement !
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