La start-up africaine de la semaine : un Béninois et un Togolais à la chasse aux administrations 2.0
Installés à Tanger, deux entrepreneurs, un Béninois et un Togolais, proposent des solutions informatiques pour les administrations publiques et les universités. Un moyen de renforcer l’accessibilité aux usagers et de lutter contre la corruption. Leurs deux sociétés, créées au Maroc, ne comptent pour l’heure que quelques contrats mais intéressent de nombreuses institutions.
Imaginez : vous êtes un ressortissant togolais travaillant en Libye, vous avez besoin de légaliser un document ou de renouveler votre passeport et l’ambassade togolaise la plus proche est à Rabat, au Maroc, soit à des milliers de kilomètres.
Cette situation qui relevait du casse-tête va bientôt être résolue : l’ambassade du Togo au Maroc s’apprête à lancer un service d’e-consulat à destination de tous les ressortissants du Maghreb, d’Égypte et de Libye.
Derrière cette révolution administrative deux jeunes sociétés réunies autour de projets communs : Lensom et et Krypto Mania. À leur tête, il y a Briand Kpanou et Kossi Tsogbé. Le premier est Béninois et le second Togolais.
Ils ont fait leurs études au Maroc, à Tanger. Après un diplôme d’ingénieur à l’École nationale des sciences appliquées (ENSA), Briand Kpanou intègre Locke Engineering, filiale marocaine d’Helvetius Engineering, une société française d’édition de logiciels pour les établissements d’enseignement supérieur.
Les deux étudiants font connaissance au Maroc
Dont il devient directeur général adjoint. C’est à ce moment que le jeune homme réalise qu’il existe « des manques sur certains sujets » et tombe sur Kossi Tsogbé, étudiant au même moment au Maroc.
Ce dernier, après des études de gestion à l’École nationale de commerce et de gestion de Tanger (ENCG) et une expérience dans un cabinet d’audit, venait de créer K-M avec un associé congolais. Briand Kpanou décide d’y mettre un apport personnel . « Je voyais une opportunité à participer à quelque chose que je faisais déjà en tant que sous-traitant », se souvient-il.
En 2014, il rejoint K-M et y développe Lensom, avec un apport de 100 000 euros d’un financier tchadien — dont ils ne souhaitent pas communiquer l’identité — et une somme équivalente étant amenée par Kossi Tsogbé et Briand Kpanou. Les deux associés font pour l’heure le choix de conserver les deux structures, dont ils sont chacun directeur général, en attendant une éventuelle fusion.
Aujourd’hui les deux sociétés se sont étoffées avec un staff panafricain. Au côté de Briand Kpanou et Kossi Tsogbé travaillent deux Marocains, une Tchadienne et un Congolais (RDC), chacune des société salariant deux personnes. « Cette diversité de culture et d’expériences nous permet de nous adapter aux besoins des États et des clients », estime Kossi Tsogbé.
Des solutions informatiques pour les établissements d’enseignement supérieur et les États
La première solution développée s’adresse aux établissements d’enseignement supérieurs. Le logiciel Kelassi permet de gérer inscriptions, notes, gestion des étudiants et du personnel. En 2015, les contacts sont bien avancés avec des universités du Tchad, mais des coupes budgétaires gèlent les commandes.
Pas grave : l’équipe rebondit. « Nous n’étions pas focalisés sur Kelassi. Nous avons aussi identifié et travaillé sur d’autres solutions pour les États », dit Kossi Tsogbé. Les deux dirigeants ont entamé une « coopération fructueuse » avec le Cafrad (Centre africain de formations et de recherches administrative pour le développement) situé à Tanger.
« Ils nous ont vraiment permis d’identifier les besoins des administrations africaines. C’est une très bonne référence en terme de formations, mais ils n’avaient pas de solution concrète à proposer », estime Briand Kpano.
Au Cafrad, justement, on se montre positif sur la capacité de K-M et Lensom à trouver leur public. « Les administrations nous contactent pour ce genre de problématique. Elles sont dans une dynamique de plus de transparence, de simplification et d’efficacité, estime Stéphane Monney Mouandjo, directeur général du Cafrad. Les plateformes développées répondent à un véritable besoin », dit-il des softwares développés par Kossi Tsogbé, Briand Kpano et leur troupe.
Ainsi de Kenrol, un autre logiciel mis sur pied, qui veut répondre au besoin en recrutement des administrations et peut également servir de plateforme informatique dans les consulats. Sur ce marché pour l’instant, ce sont les produits de sociétés européennes ou américaines qui tiennent la corde. Mais les deux entrepreneurs africains veulent jouer la carte du prix, alors que leurs concurrents affichent des coûts élevés pour des solutions pas toujours adaptées aux spécificités des États africains.
Le Cafrad, un mentor et facilitateur
Lors du dernier Forum panafricain sur la modernisation de l’administration publique et des institutions de l’État, organisé par le Cafrad du 30 mai au 1er juin 2016, des discussions ont été entamées avec la République démocratique du Congo, le Gabon, le Cameroun et le Mali, se réjouissent les deux associés. « Il y a un bénéfice pour les relations entre l’administration et les citoyens, en évitant les déplacements. C’est aussi une manière d’améliorer la transparence et de réduire la corruption », veut croire Briand Kpanou.
Un argumentaire que reprend à son compte Koudjo Jean-Christophe Adanou, chargé d’affaires à l’ambassade du Togo à Rabat, qui a fait appel aux services de Lensom et K-M et croit en leur potentiel. « Aucun développement n’est possible sans les TIC. Il faut pouvoir rendre un service plus efficient : moins de temps, moins cher et sans corruption. Parmi d’autres sociétés, la qualité de service proposée par cette entreprise nous a séduite ».
Au Maroc, l’Institut supérieur international de tourisme (ISIT) de Tanger a opté pour Kenrol. Une solution qu’elle va utiliser pour sa campagne de recrutement d’étudiants. « Les besoins sont énormes. Ne serait-ce qu’en matière d’archivage par exemple : si un incendie survient dans une administration au Bénin, tous les documents sont détruits », dit Briand Kpanou.
La prochaine étape est le développement d’un chiffre d’affaires plus costaud – les deux associés ne cumulant pour l’heure que quelques contrats. « Nous nous sommes concentrés sur le développement de nos produits, mais nous devons désormais mettre l’énergie nécessaire à la recherche d’investisseurs, pour intégrer des commerciaux et agrandir l’équipe », annonce encore Briand Kpanou.
Ainsi, un voyage est prévu prochainement au Bénin pour faire connaître les produits. En attendant les start-up créées au Maroc comptent bien y poursuivre leur développement. Proximité avec l’Europe, qualité et coût raisonnable du réseau font partie des atouts. Et, pour Kossi Tsogbé, l’ambition africaine très présente au Maroc sera d’autant plus porteuse : « Le pays est à la croisée des chemins avec une vision africaine et beaucoup d’opportunités. Ici il y a moyen de toucher plusieurs pays ; c’est déjà un hub africain. »
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