Péril en Occident

C’est en tout cas l’impression que nous avons, nous les non-Européens qui voyions dans l’UE un pari magnifique et dans le modèle fédéraliste, un exemple à suivre. Et voilà nos amis européens pris dans une sorte de folie négatrice d’eux-mêmes et dans une pitoyable remise en question des valeurs de démocratie et d’ouverture qui les définissent.

• Le Brexit, d’abord. Quel est donc ce fils indigne qui vient de fissurer la maison commune, construite contre les crises et les guerres ? En votant sa sortie de l’UE, la Grande-Bretagne a donné le premier coup de pelle destructeur. Qu’importent les raisons avancées, le fait est là : les sujets de la reine auront commis le péché de la désunion.

• Le recours au référendum, ensuite. Il paraît que beaucoup de Britanniques, pris de regret, contestent la formule référendaire. Idem en France pour le référendum au sujet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Les opposants au projet rejettent ce recours. Autrement dit, ils refusent de respecter un principe essentiel de la démocratie.

• Autre motif d’inquiétude : l’Europe vire à droite. L’Espagne vient de conforter les conservateurs là où on attendait Podemos, et je ne vous parle pas des victoires populistes en Italie ou en Autriche, ni du Front national qui exige un « Frexit » et promet discrimination et repli dans une nation fière d’avoir dans sa devise les termes « égalité » et « fraternité ».

Je propose qu’on recoure à un échange de protagonistes et de procédures

Poussons outre-Atlantique, et voilà la plus grande puissance du monde en train de nous servir le menu nauséabond d’un Trump qui n’a de rebelle que la mèche et qui gave ses sympathisants d’idées racistes, de machisme et de haine de l’étranger, ralliant à lui des millions d’Américains. Lesquels consacrent ainsi le triomphe de l’ignorance et de la bêtise tout en s’obstinant à nous faire la leçon.

Que pouvons-nous faire, nous, pauvres gens issus de pays arabes ou africains réputés fermés, non démocratiques, divisés, flanqués de leaders politiques pour qui le mot « référendum » est une insulte ? Je propose qu’on recoure à un échange de protagonistes et de procédures. On file aux Américains nos candidats islamistes qui ont la haine des minorités et fermeraient la frontière aux chrétiens. On envoie Erdogan vanter aux Britanniques les vertus du nationalisme et les bienfaits de la croissance démographique.

Les Maghrébins pourraient emprunter les chefs européens qui rêvent d’union pour leurs peuples – fût-ce malgré eux – tandis que les chefs du Maghreb ne rêvent que contre leurs peuples.

À l’heure où les Occidentaux font la fine bouche, qu’on nous donne leur droit de s’exprimer, d’élire, de se fédérer

Je suggère aux « zadistes » français de remplacer le scrutin démocratique des urnes par le « Conseil de la choura », qui fonctionne selon le principe islamique de la guidance du « troupeau par le berger ». Et qu’on nous laisse, à nous, l’usage exclusif du référendum. Déjà que j’ai entendu nombre de Tunisiens revendiquer « un référendum pour sortir la Tunisie de l’Orient arabe ».

Je vois d’ici le raz-de-marée de citoyens votant contre la construction de fastes demeures et de fortunes colossales ; la file de joyeux lurons plébiscitant la consommation publique de la bière et la fin des prières obligatoires ; les 100 % de Saoudiennes en faveur du permis de conduire, etc.

Mais oui, à l’heure où les Occidentaux font la fine bouche, qu’on nous donne leur droit de s’exprimer, d’élire, de se fédérer, et vous verrez qu’on les remplacera très vite.