France : pluie d’hommages après le décès de Michel Rocard

Michel Rocard, ancien Premier ministre socialiste français (1988-1991), sous la présidence de François Mitterrand, est décédé samedi après-midi à 85 ans dans un hôpital parisien. Depuis les hommages affluent, saluant un politique d’exception qui s’était notamment opposé à la guerre d’Algérie.

Michel Rocard, décédé samedi 2 juillet, avait été Premier ministre de 1988 à 1991. © AFP

Michel Rocard, décédé samedi 2 juillet, avait été Premier ministre de 1988 à 1991. © AFP

Publié le 4 juillet 2016 Lecture : 4 minutes.

Michel Rocard, décédé samedi 2 juillet, avait pris ses fonctions de Premier ministre dans la foulée de la réélection de François Mitterrand, juste après une période dite de cohabitation pendant laquelle le président socialiste avait perdu la majorité absolue au Parlement, Jacques Chirac dirigeant alors le gouvernement entre 1986 et 1988.

Celui qui, selon ses amis, fut le premier à gauche à introduire la notion de rigueur financière voulait incarner une vision rénovée de ce courant politique, portée par une forte exigence morale et la prise en compte des contraintes de l’économie mondialisée sans renoncer aux ambitions sociales. Il avait ainsi instauré un Revenu minimum pour les personnes sans ressources (RMI).

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Celui qui se qualifiait de social-démocrate de dialogue, restera comme le signataire des Accords de Matignon, qui ont mis fin à des troubles en Nouvelle-Calédonie et accordé le droit à l’autodétermination à ce territoire français du Pacifique.

Un farouche opposant à la guerre d’Algérie

Il avait également été un opposant à la guerre d’Algérie. Alors inspecteur des finances en 1959, au milieu de la guerre, il avait publié un rapport réfractaire à la torture par l’armée durant les « événements d’Algérie ». Il avait alors soulevé une partie des élites tandis que les hommes politiques socialistes soutenaient l’opération de « maintien de l’ordre » française en Algérie. Ce rapport alertait notamment les autorités françaises sur la famine qui sévissait dans les camps de regroupement. Il provoquera les premiers soins et l’afflux de vivres.

« La France perd un homme de cœur et de raison, l’Algérie un ami fidèle, l’humanité un être d’exception », a réagi le président algérien Bouteflika dans un message de condoléances à son homologue français, François Hollande « Esprit généreux et universel, s’il en est, Michel Rocard a, dans bien des moments, su être en avance sur son époque. Il a gagné une place de choix dans l’histoire de la France et dans celle d’autres Nations comme la mienne dont il a su très tôt capter l’aspiration indomptable à la liberté », a ajouté le chef de l’État.

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« Homme de lucidité, de courage et d’engagement, il aura été de ceux qui ont précisément compris que la grandeur de la France allait se mesurer à la capacité de ses dirigeants d’inscrire leur attitude dans la cohérence de l’Histoire en allant à la rencontre d’une indépendance que l’Algérie avait gagnée de haute lutte, avant de contribuer à bâtir des relations bilatérales frappées du sceau du respect mutuel », a-t-il poursuivi.

« Viré » par Mitterrand »

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Né en août 1930 près de Paris, Michel Rocard était un fervent partisan de la construction européenne, diplômé de l’ENA. Il avait été à la tête de 1967 à 1973 du Parti socialiste unifié (PSU) et candidat à l’élection présidentielle de 1969. Il n’avait recueilli que 3,6% des suffrages. Il a rejoint le Parti socialiste en 1974, trois ans après sa fondation.

Michel Rocard avait défié François Mitterrand (élu chef de l’État en 1981) auquel il reprochait son archaïsme, et la concurrence sans merci entre ces deux hommes avait abouti à une cohabitation conflictuelle à l’époque où il occupait le poste Premier ministre. Ce qui lui avait valu d’être « viré » trois ans plus tard, selon son expression.

De petite taille, il donnait une image de fragilité, démentie par beaucoup d’énergie et de pugnacité. S’il avait failli périr en 2007 après une hémorragie cérébrale en Inde, cinq ans plus tard, alors ambassadeur de la France pour les régions polaires, il avait été le premier octogénaire à se rendre aux deux pôles géographiques du globe.

Dans un entretien publié la semaine dernière par l’hebdomadaire Le Point, Michel Rocard fustigeait encore la gauche française, la plus rétrograde d’Europe à ses yeux, et jugeait que les droits des citoyens ne se résument pas aux « acquis sociaux ».

« Si Michel Rocard avait été président… »

Le président français François Hollande a rendu hommage à une grande figure de la République incarnant un socialisme conciliant utopie et modernité. Le Premier ministre Manuel Valls, issu de la même mouvance politique que Michel Rocard, a jugé que l’homme qui était à l’origine de son engagement politique incarnait la modernisation de la gauche et l’exigence de dire la vérité. Toujours fier d’être rocardien, Manuel Valls s’est dit un peu orphelin.

« Si Michel Rocard à un moment – mais on ne refait pas l’histoire avec des si – avait été président de la République, peut-être une grande partie des débats qui secouent la gauche seraient derrière nous », a lâché l’actuel locataire de Matignon.

À droite, l’ancien président Jacques Chirac a rendu hommage à son « ami de jeunesse », depuis le début des années 1950, et à « un homme d’État » mêlant, « de manière rare, le goût des concepts et la capacité d’action ».

Hommage national le 7 juillet

L’ancien président Nicolas Sarkozy, chef du parti Les Républicains, a salué le refus du sectarisme et le sens de l’État de Michel Rocard, auquel il avait confié une mission lorsqu’il était au pouvoir. L’ancien Premier ministre Alain Juppé a lui aussi rendu hommage au disparu, relevant esprit agile, culture historique, goût du débat sans concessions mais sans sectarisme.

Un hommage national lui sera rendu jeudi 7 juillet lors d’une cérémonie à l’Hôtel des Invalides à Paris. L’hommage du Parti socialiste aura également lieu vers le 11 juillet. L’ancien Premier ministre doit être incinéré dans la semaine à Paris. Ses cendres seront ultérieurement inhumées, probablement en septembre, à Monticello près de L’Ile-Rousse, en Corse, d’où sa dernière épouse, Sylvie, est originaire.

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