Tunisie : le gouvernement Essid 2, une délicate tentative d’union nationale
La première équipe gouvernementale proposée par le Premier ministre tunisien Habib Essid a provoqué un tel tollé des partis qu’elle n’aurait pas obtenu la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Dix jours et de très nombreuses négociations plus tard, le patron de la Kasbah a revu sa copie. Analyse.
Un gouvernement ouvert aux partis
Le parti de Nidaa Tounès qui avait remporté les élections législatives avec une majorité relative rafle plus de la moitié des 25 ministères et 17 secrétariats d’État. Mais Habib Essid, qui maintient la présence au sein de son équipe de l’Union patriotique libre (UPL), ouvre également son gouvernement aux autres partis arrivés parmi les cinq premiers aux élections.
Ainsi Afek Tounes obtient 3 ministères (Femme ; Développement, Investissement et Coopération internationale ; Technologies de la communication) alors qu’il détient 8 sièges à l’Assemblée, et Ennahdha décroche un ministère (Formation professionnelle et emploi) et trois secrétariats d’État. Aussitôt les formations politiques d’Al Moubadara, du Courant démocratique et du Congrès pour la république (CPR, de l’ancien président Moncef Marzouki) ont crié à l’exclusion et se sont rangés dans l’opposition, aux côtés du Front populaire.
>> Voir la composition du nouveau gouvernement
Le retour d’Ennahdha aux affaires
Loin des affaires depuis un an, Ennahdha avait proposé depuis la campagne des législatives de s’orienter vers un gouvernement d’union nationale au grand dam des électeurs qui en appelaient au respect du principe majoritaire. Le parti islamiste est donc de nouveau au gouvernement, mais il a surtout choisi de mettre en avant des jeunes aux compétences avérées, comme Zyad Laadheri (Formation professionnelle et emploi) et Nehjmeddine Hamrouni (Secrétaire d’État chargée de la mise à niveau des établissements hospitaliers), qui vont contribuer à moderniser son image.
Les ministres régaliens reconduits
Aux postes de souveraineté, Habib Essid a privilégié les compétences à la partisannerie. Il reprend la configuration présentée dans sa première version et confie les portefeuilles de la Justice et de la Défense à des indépendants (Mohamed Salah Ben Aissa et Ferhat Horchani ) et reconduit Nejem Gharsalli au ministère de l’Intérieur malgré la controverse suscitée par son parcours sous Ben Ali – il est accusé d’avoir été un magistrat inféodé à l’ancien régime.
La réaction de colère de nombreux sympathisants du parti au pouvoir a été aussi épidermique qu’immédiate.
Un gouvernement déjà critiqué
"Nidaa Tounès et Béji Caïd Essebsi nous ont trahi" : la réaction de colère de nombreux sympathisants du parti au pouvoir a été aussi épidermique qu’immédiate. La formation du nouveau président est piégée par ses promesses électorales, car elle s’était portée garante pour empêcher tout retour d’Ennahdha au pouvoir. Aujourd’hui, elle risque de perdre la moitié de ses électeurs, dont les femmes qui avaient été convaincues que Nidaa pouvait être un rempart aux islamistes. D’autres militants sont déçus par le manque d’audace de la composition gouvernementale et estiment qu’elle n’aura pas assez d’allant et de sens de l’innovation pour s’accorder sur des choix politiques et imposer les réformes nécessaires.
Des femmes mais pas de parité
Trois ministères et sept secrétariats d’État. Avec près du quart des portefeuilles, les femmes sont présentes à des postes attendus tels que le ministère de la Femme et de la Culture. Rien de bien révolutionnaire, d’autant que l’éviction de la militante des droits humains Khadija Cherif, au profit de Samira Merai d’Afek Tounès, confirme la pression des partis sur l’octroi des portefeuilles.
Une garantie de réussite face à l’Assemblée ?
En associant les partis majeurs à son gouvernement, Habib Essid s’assure de 170 voix sur 217 pour remporter la confiance de l’ARP mais aussi pour faciliter la tâche de son équipe et l’application de son programme dans l’avenir. À moins que les députés de Nidaa Tounès, déçus par ses choix, ne se mettent en dissidence et votent avec l’opposition. Dans tous les cas, les 100 premiers jours du gouvernement Essid seront scrutés à la loupe.
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