Comment la Libye plombe l’économie tunisienne
« L’enlisement de la crise libyenne » est l’un des quatre principaux facteurs qui ont mis à mal l’économie tunisienne en 2015 selon le rapport annuel de la Banque centrale tunisienne (BCT) remis début juillet au gouvernement.
Chedly Ayari, le gouverneur de la BCT, estime que le contexte libyen couplé au problème du terrorisme, à la faible demande européenne et aux tensions sociales a pesé lourdement sur la croissance économique de la Tunisie qui est passée de +2,3 % en 2014 à +0,8 % en 2015.
Le tourisme représente environ 7 % du PIB. En 2015, les entrées de touristes étrangers se sont contractées de -30,8 %. Le flux de touristes libyens a chuté dans la même proportion (-30,9 %).
Net recul des visites de touristes libyens
Les nuitées des Libyens ont baissé de -23,9 % par rapport à 2014. Les multiples fermetures des postes-frontières de Ras Jedir et de Dehiba durant l’année 2015 et la difficulté pour les Libyens de retirer de l’argent dans les banques tunisiennes expliquent cette dégringolade.
Le recul est quasiment équivalent à celui des Français (-35,5 %) alors même que le taux de touristes maghrébins n’a baissé que de -10,9 % et que le nombre d’Algériens a même augmenté de +15,4 %. La niche du tourisme médical n’a pas été épargnée : il a baissé de -16,9 % à 179 millions de dinars (73,3 millions d’euros).
Une industrie manufacturière également affectée
Les exportations des industries manufacturières ont baissé de -1,2 %. Ce mauvais résultat s’explique principalement par les difficultés structurelles concernant le secteur du textile et des problèmes conjoncturels pour les industries mécaniques et électriques. Mais, même sans cela, les exportations auraient pu finir se maintenir s’il n’y avait eu la situation libyenne, estime le rapport de la BCT.
Hors des deux secteurs susmentionnés, les exportations manufacturières ont progressé de +12,3 %, contre +8,5 % en 2014 grâce au BTP et aux produits hygiéniques. Seulement, les exportations en direction de la Libye se sont repliées de -8,3 %.
Trois raisons à cela : les multiples fermetures des postes-frontières de Ras Jedir et de Dehiba qui ont fortement ralenti le passage des camions de marchandise, les risques d’attaques terroristes sur la route menant de la frontière à Tripoli et la forte baisse du pouvoir d’achat des Libyens avec un dinar libyen qui dévisse sur le marché.
« L’amélioration des exportations [hors secteur textile, mécanique et électrique] est tributaire du rétablissement de la situation en Libye », explique le rapport de la BCT. Le secteur du BTP, par exemple, n’a jamais retrouvé son activité d’avant 2011, époque à laquelle la Tunisie exportait beaucoup de matériaux de construction, de la céramique et du verre vers la Libye.
Une reprise incertaine
La Libye a également contribué au mauvais rendement des recettes liés aux grands travaux et aux services techniques qui sont en baisse de -6,9 % à 597 millions de dinars (244,5 millions d’euros) en 2015.
L’essentiel de ces prestations est destiné aux marchés africains. Or « celles bénéficiant à la Libye se sont, sensiblement, contractées en raison des tensions sécuritaires dans ce pays », affirme la Banque centrale tunisienne. Ces mêmes tensions sécuritaires en Libye ont rendu incertaine la reprise d’une demande étrangère pour la Tunisie.
Pour 2016, la BCT s’attend à une reprise économique mais « elle serait essentiellement tributaire de l’apaisement des tensions géopolitiques, notamment en Libye, dont l’instabilité pourrait avoir des incidences sensibles sur l’économie tunisienne. »
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan