Photographie : rendez vous en Arles… chez Fatimata !
Ouvertes ce 4 juillet, les Rencontres de la photographie d’Arles offrent une grande variétés d’expositions consacrées aux images contemporaines jusqu’au 25 septembre. Avec, cette année, une présence accrue de la création africaine.
Une belle chaleur d’été, un parfum de citronnelle, quelques légions de moustiques et des rythmes venus droit du Continent sans passer par la case « visas », les abords de la gare d’Arles (Bouches-du-Rhône) ont pris les couleurs de l’Afrique en ce 5 juillet 2016. La soirée, organisée dans le cadre des Rencontres de la Photographie qui se tiennent jusqu’au 25 septembre à travers toute la ville, avait pour fonction de lancer Africa Pop, une série de manifestations artistiques montrant « une Afrique décalée, une Afrique pop, pleine d’humour et de surprises ».
Africa Pop
En pixels et en couleurs, cette Afrique à rebours des clichés s’est présentée sur l’écran géant installé dans la friche Ground Control, où l’exposition Tear my bra revient en images sur le monde étrange qu’est Nollywood, au Nigeria. Orchestrée par Off the Wall et son énergique instigatrice l’Ivoirienne Anna-Alix Koffi, la projection donnait à voir des hommes et des lieux que les médias traditionnels ont tendance à ignorer. Mais l’année 2016 ayant déjà été ce qu’elle a été, impossible de faire l’impasse sur les drames qui l’ont marquée, le décès du photographe malien Malick Sidibé le 14 avril 2016 et l’infâme assassinat de Leïla Alaoui, le 18 janvier 2016 à Ouagadougou (Burkina). Associées, leurs images représentaient sans doute la meilleure réponse possible aux fondamentalistes : elles seront toujours la pour témoigner, dire, raconter, exalter, interroger…
Installée non loin, la jeune photographe malienne Fatoumata Diabaté rendait elle aussi hommage, à sa manière, à Sidibé. Comme lors des Rencontres de Bamako en novembre dernier, elle avait installé son studio ambulant pour y tirer le portrait de qui voulait à la manière du maître. C’est là qu’un refrain entêtant se faisait entendre, jusqu’à devenir obsédant : « Rendez-vous ce soir, chez Fatimata. Rendez-vous ce soir, chez Fatimata… »
Les Merveilles du Mali
Chacun aura reconnu en ces quelques mots le tube du groupe Las Maravillas de Mali (Les merveilles du Mali), précurseur des musiques afro-cubaines. Swinging Bamako, la fabuleuse histoire des Maravillas de Mali est d’ailleurs le titre de l’exposition conçue par Richard Minier, Thomas Mondo et Madé Taounza au couvent Sainte-Césaire d’Arles. Il s’y raconte en images l’histoire de ces étudiants maliens envoyés à Cuba, guerre froide oblige, pour étudier la musique et sceller l’amitié entre les peuples cubain et malien. Cela se passe en 1963, aux débuts de l’indépendance, et les sept jeunes hommes vont étudier au conservatoire de la Havane… et faire la fête dans un pays qui s’y connaît en la matière.
Las Maravillas de Mali naît en 1965 et leurs rythmes latins aux accents mandingues séduisent très vite un large public. En 1967, c’est la gloire, avec le tube Rendez-vous chez Fatimata et un premier retour au pays au cours duquel le groupe multiplie les apparitions officielles, jouant notamment pour le président Modibo Keïta qui encourage ce genre d’initiative culturelle. Mais si la politique les aide un temps, c’est aussi la politique qui aura raison d’eux. La dictature de Moussa Traoré qui s’installe au Mali en 1968 n’apprécie guère leurs liens avec le monde communiste et les soupçonne d’en être les chantres. Rappelés au pays en 1971, ils vont de désillusions en désenchantements et très vite, le leader Boncana Maïga, qui lancera plus tard Africando, quitte le pays pour la Côte d’Ivoire. Quand la Direction nationale des arts essaie de leur imposer un nouveau chez d’orchestre, le groupe se sépare…
Swinging Bamako?
Cette belle histoire présentée dans le couvent Saint-Césaire rend un bel hommage au Mali des années 1960. Les pochettes des disques de Las Maravillas dialoguent avec les photos que Malick Sidibé fit de jeunes maliens posant avec leurs vinyles favoris, comme cet Admirateur de Jimi Hendrix ou ces Amoureuses de disques. D’autres photographes disent aussi l’époque, faire d’enthousiasme et d’optimisme, comme Sadio Diakité avec ses Hommes aux chapeaux de Paille ou Abderrahmane Sakaly avec ses femmes portant des robes à l’effigie du président Modibo Keïta. Malheureusement, les images nostalgiques de Karen Paulina Biswell viennent apporter un note sombre, évoquant lourdement les vestiges de ces années de swing. Un piano agonise dans le jardin de l’Institut national des arts, la vieille radio de Malick Sidibé s’est tue, abandonnée sur un tabouret. Est-ce à dire que Bamako ne swingue plus ? Que la musique a déserté les rives du Djoliba sous la menace terroriste ? A qui pourrait-on le faire croire ? Mais peu importe cette fausse note, les Rencontres d’Arles, sur les rives du Rhône, offrent aux visiteurs d’autres possibilités de vivre cette Afrique pop qui pulse et palpite sur tous les rythmes imaginables.
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