Burkina : ce qui a changé dans l’enquête sur le putsch manqué depuis l’arrivée de Roch Kaboré
Depuis sa prise de fonction, le président burkinabè a procédé à un certain nombre d’ajustements dans la façon dont l’enquête sur la tentative de coup d’État de septembre 2015 est menée. Décryptage.
Limogeages au tribunal militaire
Courant mai, Roch Marc Christian Kaboré, qui est aussi ministre de la Défense, a procédé à un large remaniement au tribunal militaire de Ouagadougou, chargé de l’enquête sur la tentative de coup d’État de septembre 2015.
Souhaitant en terminer rapidement avec ce dossier qui monopolise l’attention publique depuis des mois, le président a limogé le lieutenant-colonel Norbert Koudougou, commissaire du gouvernement (l’équivalent du procureur), Sébastien Rapademnaba, juge d’instruction civil détaché auprès du tribunal, et le lieutenant Frédéric Ouédraogo, un des juges d’instruction militaires en charge du dossier.
Kaboré leur reprochait autant de ne pas suffisamment travailler que d’avoir pris des décisions qu’il n’a guère appréciées, comme celle de convoquer des hauts gradés de la hiérarchie militaire et policière alors qu’il était en déplacement à l’étranger. « En tant que ministre de la Défense, cela fait partie de ses prérogatives de superviser le tribunal militaire », justifie un de ses collaborateurs. Nommés par les autorités de transition, les trois magistrats remerciés étaient aussi accusés par l’entourage de Kaboré d’être trop proches de l’ancien Premier ministre, Yacouba Isaac Zida.
Annulation du mandat d’arrêt international contre Guillaume Soro
Suspecté de soutien aux putschistes lors de la tentative de coup d’État contre le régime de transition, en septembre 2015, à Ouagadougou, Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, a vu la justice militaire burkinabè émettre un mandat d’arrêt international à son encontre début janvier 2016.
Le déclenchement de cette procédure, ordonnée par Yacouba Isaac Zida avant que Roch Marc Christian Kaboré ne prenne ses fonctions, a immédiatement provoqué un pataquès diplomatique entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. Trois mois après son arrivée au pouvoir, le président burkinabè avait affirmé, début avril, qu’il entendait « privilégier la voie diplomatique » dans cette affaire explosive.
Ce fut finalement chose faite début juin, lorsque le commandant Alioune Zanré, le nouveau commissaire du gouvernement nommé par Kaboré, a annoncé que la justice militaire burkinabè avait renoncé au mandat d’arrêt contre Guillaume Soro mais qu’elle avait demandé à la Côte d’Ivoire de le poursuivre dans le cadre d’une procédure dite de « dénonciation ». Autrement dit : le dossier Soro est désormais confié à la justice de son pays, qui n’y a pas donné suite.
Remise en liberté provisoire de plusieurs civils et militaires
Plusieurs personnes, suspectées d’être impliquées dans le putsch manqué de septembre 2015, ont été remises en liberté provisoire ces dernières semaines. Eddie Komboïgo, le président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui avait été arrêté fin janvier, a été libéré fin mai. Proche du général Gilbert Diendéré, il reste néanmoins inculpé de complicité avec les putschistes. Komboïgo est sorti de prison en même temps que Fatoumata Thérèse Diawara, la belle-fille du général Diendéré, elle aussi remise en liberté provisoire en attendant le procès.
Quelques jours après leur libération, Me Mamadou Traoré, ancien bâtonnier de Ouagadougou, a été à son tour libéré. Son arrestation et son inculpation, fin avril, avaient déclenché un important mouvement de mobilisation de ses confrères avocats au Burkina Faso et à l’étranger.
Plus récemment, quelques officiers de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont eux aussi été remis en liberté provisoire. Parmi ces premiers militaires relâchés, mais toujours placés sous contrôle judiciaire, l’ancien chef de corps du régiment putschiste : le commandant Abdoul Aziz Korogo. Il a été libéré de la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca) en compagnie de plusieurs autres officiers de l’ex-RSP, comme le capitaine Zoumbri ou le lieutenant Zagré. « Le juge d’instruction a levé la détention préventive de ces personnes car il estime que leur libération provisoire ne gênera pas l’enquête, qui est quasiment bouclée », avait alors justifié une source au tribunal militaire de Ouagadougou.
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