Archevêque Philippe Kpodzro : « En 1991, le multipartisme l’a emporté sur la dictature » au Togo
L’archevêque émérite de Lomé a été un acteur clé de la Conférence nationale souveraine togolaise qui s’est déroulée du 8 juillet au 28 août 1991. Président du bureau à l’époque, il livre à Jeune Afrique ses souvenirs sur cette période marquante pour la démocratie au Togo.
Propulsé « malgré lui » au devant de la vie politique du Togo, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, 86 ans dont 40 comme évêque, est un acteur clé de l’histoire contemporaine du pays. Président de la Conférence nationale souveraine puis du Haut Conseil de la République, parlement de transition, le prélat a connu des moments difficiles notamment lors de sa séquestration par des éléments de l’armée du 22 au 23 octobre 1992.
Jeune Afrique : Comment avez-vous vécu votre désignation pour présider les travaux de la Conférence nationale en juillet 1991 ?
Philippe Kpodzro : La Conférence des évêques du Togo devait proposer deux personnes pour la représenter lors de ces assises. Et comme au Bénin Mgr Isidore de Souza (archevêque de Cotonou) avait présidé les mêmes travaux, les Togolais ont manifesté le souhait de voir un prélat diriger leur conférence. Les évêques m’ont donc choisi pour les représenter après que mes aînés aient décliné la mission pour des raisons diverses.
J’étais assez réticent mais j’ai accepté la responsabilité parce qu’il s’agissait avant tout de réconcilier le peuple togolais. Une fois dans la salle de la conférence, le professeur Léopold Gnininvi a présenté mon Curriculum Vitae à l’assemblée qui a applaudi, me désignant ainsi le 13 juillet 1991 pour présider le bureau de la conférence.
Avez-vous pris conseil auprès de votre confrère Mgr Isidore de Souza, archevêque de Cotonou qui avait dirigé un an plus tôt (du 19 au 28 février 1990) la conférence nationale des forces vives de la nation au Bénin ?
Il ne m’est jamais arrivé d’interroger Mgr de Souza car la situation au Togo était totalement différente. Le pays jouissait d’une prospérité constatée dans les années 1980, on l’appelait « havre de paix », ce qui n’empêchait pas les Togolais de connaître des souffrances profondes. Souffrances qu’ils avaient besoin d’exprimer. Par exemple, si au Bénin il y avait 500 délégués, au Togo nous étions près de 1200 car nous avons souhaité une participation plus large.
Après la conférence vous avez été élu président du Haut Conseil de la République (HCR), parlement de la transition. N’était-ce pas difficile d’allier les fonctions spirituelles et temporelles dans un contexte aussi délicat ?
Le prélat aussi est un citoyen. Je vis dans la pâte togolaise et ne suis donc pas indifférent aux problèmes du pays. J’ai eu la permission du Saint-Siège qui m’a autorisé à assumer ces fonctions de réconciliation pour mon pays. J’ai dit dès le départ à ceux qui m’ont élu qu’ils trouveront en moi un évêque, pas un politicien. Donc j’ai assuré mes fonctions sans dichotomie interne. Mais étant évêque d’une région de l’intérieur, j’ai dû sacrifier un peu mon diocèse pour être plus présent à Lomé.
25 ans après, qu’ont apporté au Togo la Conférence nationale et le Haut conseil de la République que vous avez présidés ?
La Conférence nationale a eu des points vraiment très positifs pour le Togo. Le multipartisme l’a emporté sur la dictature, la liberté d’expression a été gagnée et nous avons essayé de faire évoluer certaines choses comme les salaires des fonctionnaires etc.
Le Haut Conseil de la République quant à lui a discuté d’une manière démocratique, avec beaucoup de franchise pour aboutir à la rédaction de la Constitution de la IVe République adoptée par référendum le 14 octobre 1992 avec un peu plus de 98% des suffrages exprimés. Nous avons malheureusement connu des difficultés au moment de la mise en application des dispositions votées par le HCR. Nous avons par exemple voté la destitution du Premier ministre de la transition (Joseph Koffigoh,Ndlr) mais la décision n’a jamais été appliquée, le président Eyadéma s’y étant opposé.
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