2015, l’année des changements
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 29 janvier 2015 Lecture : 4 minutes.
L’année 2015 est encore dans son premier mois : où nous mène-t-elle ? Quelle direction prend notre monde et dans quel sens se déplace son centre de gravité ?
Je me suis posé ces trois questions, j’ai cherché des réponses et découvert que nous allons vivre une année de grands changements. Si nous étions dans un avion, on nous demanderait peut-être "d’attacher nos ceintures".
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1) D’emblée, on nous apprend que les États-Unis, qui ne détenaient pas encore ce record-là, vont devenir, en 2015, grâce à l’exploitation de leur pétrole et de leur gaz de schiste, le premier producteur mondial d’hydrocarbures. Ils supplanteront donc l’Arabie saoudite, qui détenait depuis plusieurs décennies cette "médaille d’or noir".
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit que l’Amérique conservera cette place jusqu’en 2050, voire au-delà.
Voilà donc un énorme changement, qui promet d’être durable et dont il convient de ne pas sous-estimer les conséquences.
2) Cette performance n’empêchera cependant pas la Chine de prendre la place des États-Unis comme première économie mondiale : c’est en effet en 2015 que le PIB chinois, calculé en parité de pouvoir d’achat, dépassera celui des États-Unis. Cela faisait longtemps que l’on nous parlait de ce dépassement et voilà qu’il arrive, et il n’est pas sans effet sur le troisième changement…
3)…Qui affecte, lui, le centre de gravité mondial, dont la marche vers l’est se confirme et s’accélère : les progrès économiques de l’Asie depuis 1980 et ceux escomptés d’ici à 2050 déplacent le centre de gravité de notre planète vers les pays asiatiques. La carte ci-dessous (empruntée à The World in 2015 de The Economist) montre le chemin parcouru dans cette inexorable translation de soixante-dix ans.
Translation corroborée par les chiffres que rappelle, dans Le Point, notre confrère Pierre-Antoine Delhommais :
"En 1973, l’Europe de l’Ouest représentait 25,6 % du PIB mondial et les États-Unis 21,1 %. La Chine ne totalisait alors que 4,6 % du PIB mondial et l’Inde, 3,1 %. Trente-huit ans plus tard, la part de marché de l’Europe de l’Ouest a reculé de près de 9 points, à 16,8 %, et celle des États-Unis de 4 points, à 17,1 %. Celle de la Chine, en revanche, a été multipliée par trois (à 14,9 %) et celle de l’Inde par deux (6,4 %)."
Au sortir de cette "longue marche", la Chine et l’Inde retrouveront ainsi, vers 2050 ou 2060, en matière de population et de PIB, la place qu’elles avaient occupée jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Place qu’elles ont perdue pour n’avoir pas pris le train de la révolution industrielle et qu’elles retrouveront lorsqu’elles seront de nouveau, à elles deux, "la moitié du monde".
Ces "deux grands" de l’Asie sont, comme on le voit, en indiscutable renaissance économique. Mais si l’on en juge par la compétition acharnée qu’ils se livrent dans l’espace et par le nombre de brevets déposés, leur renaissance est également culturelle et scientifique.
Cela dit, progressent-ils du même pas ?
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Jusqu’en 2014, les observateurs étaient presque unanimes à penser que le lièvre chinois avait réussi à distancer la tortue indienne partie la première, que le dragon était bien plus rapide que l’éléphant, que l’avance prise par la Chine s’accentuait d’année en année et que, de ce fait, le pays de Deng Xiaoping avait course gagnée.
Mais la Chine croît de moins en moins vite, et il semble acquis que la progression de son PIB passera, cette année, en dessous de 7 %. La République indienne est, en revanche, depuis peu, sous la houlette d’un Premier ministre ambitieux et inventif, Narendra Modi. Elle s’achemine, nous dit-on, vers une croissance annuelle tendant vers les 10 %, apanage de la Chine au cours du quart de siècle écoulé.
On prévoit qu’en cette année 2015, décidément vouée aux grands changements, l’Inde aura, pour la première fois, un taux de croissance économique supérieur à celui de la Chine. Et l’on pronostique qu’elle maintiendra désormais la cadence, entamant ainsi sa course de rattrapage.
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Les auteurs de cette théorie soulignent que, sur le long terme, l’Inde a des atouts qui pourraient se révéler décisifs : sa démographie est largement supérieure, avec un plus grand nombre – proportionnellement – de jeunes faisant leur entrée dans le monde du travail. De plus, là où la Chine est vouée à opérer de considérables bouleversements politiques pour atteindre le statut de démocratie parlementaire prospère, l’Inde n’a besoin que de perfectionner celle qu’elle est déjà. Enfin, l’ère de développement chinoise fondée sur l’industrie manufacturière touche à sa fin, et trouver de nouveaux relais de croissance pourrait se révéler délicat.
L’Inde a pour atouts supplémentaires son utilisation plus établie et plus large de la langue anglaise et sa supériorité reconnue en informatique.
L’enjeu de cette course de fond, dont 2015 marque le vrai départ, pourrait attirer – et retenir – l’attention du monde entier, car il se ramène à cette question : la démocratie indienne a-t-elle une chance de se révéler, in fine, plus efficace que le système chinois, régime de parti unique mâtiné de confucianisme ?
Début de réponse dans un quart de siècle.
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