Racisme : en France, la discrimination à l’emploi touche aussi la fonction publique
Les candidats d’origine maghrébine et ceux vivant dans les quartiers défavorisés sont pénalisés dans l’accès à l’emploi en milieu hospitalier et dans les collectivités territoriales, selon un rapport remis mardi au Premier ministre.
« En créant un décalage incompréhensible entre la promesse républicaine d’égalité, de méritocratie, et la réalité, ces pratiques ébranlent ce qui fonde notre cohésion nationale », a souligné le Premier ministre Manuel Valls dans un communiqué après avoir examiné les conclusions d’un rapport sur l’accès à la fonction publique des candidats d’origine maghrébine ou issus des quartiers populaires. « Une exigence d’exemplarité s’impose aux employeurs publics », a-t-il poursuivi.
Le rapport s’appuie sur l’exploitation systématique des bases de données de concours externes de la fonction publique d’État, sur des campagnes de tests de discrimination dans l’accès à l’emploi public et sur les offres d’emploi, à quoi s’ajoutent des entretiens auprès de recruteurs. Il s’agit du premier du genre à se pencher sur les risques de discrimination dans le recrutement de la fonction publique (hôpitaux, collectivités), secteur qui représente en France un cinquième des emplois.
Au sujet des concours d’admissions, il constate par exemple que les femmes, les personnes nées hors de France métropolitaine et celles résidant dans les quartiers défavorisés ont moins de chance de les réussir, s’appuyant sur l’étude d’un panel de 400 000 candidats à 90 concours relevant de cinq ministères (Affaires étrangères, Intérieur, Travail, Éducation nationale et Recherche).
Un recrutement « peu organisé »
Les chercheurs ont aussi testé « l’accès à l’information » via des demandes sur les opportunités d’emploi adressées à 70 commissariats d’Île-de-France et 150 établissements hospitaliers. Résultat : ces requêtes ont mis en évidence une discrimination dans les hôpitaux publics « entre une femme candidate française et une autre signalant une origine maghrébine par son patronyme ». Elles n’ont en revanche pas révélé de différence de traitement dans la police nationale.
Concernant l’accès à l’emploi, les tests ont porté sur l’envoi de 3 258 candidatures virtuelles en réponse à 1 086 offres d’emploi réelles concernant trois domaines de la fonction publique et cinq professions : policier national, infirmier en soins généraux, responsable administratif, technicien de maintenance et aide-soignante. Ceux-ci montrent que les candidats d’origine maghrébine sont pénalisés dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale, où les modes de recrutement sont « très décentralisés et très peu organisés », proches de ceux du privé. Il en va de même pour les candidats résidant dans des quartiers défavorisés.
Ainsi, pour décrocher, en Île-de-France, un emploi d’infirmière dans le secteur public, le rapport montre qu’il vaut mieux s’appeler « Laure » qu’ »Anissa ». Tandis que la première reçoit 35 réponses positives sur 153 CV envoyés, la deuxième en obtient seulement 25. L’étude constate également que les descendants d’immigrés africains hors Maghreb ont 29 % de chance en moins d’être salariés de la fonction publique d’État, mais 50 % de chance en plus d’être salarié de la fonction publique hospitalière.
En revanche, les tests ne révèlent pas de différence de traitement dans la fonction publique d’État, où des actions en faveur de l’égalité ont été déployées depuis dix ans (label diversité, parité et pluralité des jurys et commissions de recrutement notamment), indique le rapport.
La nécessité d’un « rapport annuel chiffré »
Si l’auteur de l’étude, Yannick L’Horty, enseignant-chercheur à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, n’avait pas pour mission d’émettre des recommandations, qui feront l’objet d’une mission complémentaire, il suggère cependant la mise en place d’un « outil de suivi de l’égalité d’accès à l’emploi » dans les domaines tels que la parité, la diversité, l’origine sociale, le lieu de résidence et l’âge, faisant l’objet d’un « rapport annuel chiffré ».
« Ce type d’enquête sera désormais rendu public chaque année », a assuré la ministre de la Fonction publique, Annick Girardin. « C’est indispensable pour sensibiliser et comparer les progrès réalisés », a-t-elle ajouté dans un communiqué. L’État ne peut « pas donner d’injonctions aux entreprises si lui-même n'(est) pas exemplaire », a également réagi Dominique Sopo, président de SOS Racisme, en qualifiant ce rapport de « bienvenu », dans un communiqué.
Le ministère de la Fonction publique s’est, lui, félicité du « point de situation et d’attention » apporté par les travaux, « sans équivalent jusqu’à présent en France ». Il a souligné que le projet de loi égalité et citoyenneté, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, prévoit « un rapport biannuel sur la lutte contre les discriminations et une collecte des données des candidats aux concours par les services statistiques des administrations ».
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