Tunisie : des postes vacants sur le marché de l’emploi, mais des candidats jugés incompétents
Dans son rapport national sur l’emploi en Tunisie, l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE) fait un état des lieux du marché du travail, avec ses perspectives et ses failles. Quels secteurs recrutent le plus ? Pourquoi les délais de recrutement sont-ils si longs ? Réponses en quelques chiffres.
Problèmes d’offre ou d’employabilité ? Pour répondre à cette question, l’IACE s’est penché sur les différentes contraintes de recrutement ainsi que les liens parfois inadaptés entre la formation et l’emploi. « L’absence de profils compétents et adéquats ne fait qu’aggraver le chômage », a déploré Faycel Derbal, porte-parole du think-tank, lors d’une conférence de presse tenue le 11 juillet à Tunis.
L’enquête a été menée auprès de 403 entreprises, tous secteurs confondus (agriculture non comprise) et de 10 300 diplômés de l’enseignement supérieur ayant obtenu leurs diplômes entre 2010 et 2015, dans différentes filières et régions.
145 000 postes vacants
145 000 postes seraient actuellement à pourvoir en Tunisie, avance le rapport, et 75 000 autres devraient être créés par les entreprises interrogées dans les deux prochaines années. Parmi les secteurs qui recrutent le plus, on compte ceux du commerce, de la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques, des nouvelles technologies (TIC), de l’industrie textile, et des activités de services administratifs et de soutien.
L’industrie automobile, l’enseignement, l’industrie chimique et pharmaceutique ainsi que l’industrie du cuir et de la chaussure présentent par contre de faibles potentiels d’emploi.
Les 10 professions ayant le plus de postes vacants actuels (IACE, 2016) :
Les perspectives d’emploi, qui tendent à se réduire, reflètent la méfiance et l’inquiétude des chefs d’entreprises vis-à-vis de la conjoncture nationale, qui les rend moins enclins à prendre des risques.
Deux ans et demi d’attente en moyenne pour un premier emploi
Si les « bons éléments » trouvent souvent un premier emploi au bout de sept mois environ, l’attente se fait généralement plus longue pour les autres jeunes diplômés. 30,4 mois (presque deux ans et demi), c’est la moyenne nationale pour une première insertion professionnelle, d’après le rapport de l’IACE. 87% des diplômés interrogés et ayant trouvé un emploi ont mis entre 1 et 4 ans pour le faire.
Délais d’attente pour une première insertion professionnelle pour les diplômés ayant trouvé un emploi (IACE, 2016):
Les entreprises mettent aussi plusieurs mois, voire plusieurs années, pour trouver la perle rare, et ces longs délais ont souvent des répercussions négatives sur leur production, comme des pertes de marchés, des difficultés à respecter les délais de livraison, ou encore l’abandon de certains produits ou services offerts.
Le bureau d’emploi ANETI, principal outil de recrutement
Les entreprises diversifient les canaux de recrutement pour trouver les meilleurs profils correspondants. Selon les résultats de l’enquête, plus du quart des recruteurs interrogés font appel à l’Agence nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant (ANETI) pour diffuser leurs offres d’emploi et recruter leurs effectifs, afin de recevoir des candidatures plus pertinentes. Les candidatures spontanées et les réseaux sociaux tels que Viadeo et LinkedIn sont aussi fréquemment utilisés pour trouver de nouveaux profils spécialisés.
60% des candidats jugés incompétents
Le principal argument avancé par les entreprises pour expliquer les difficultés de recrutement est l’absence de « qualité », ou lorsqu’un candidat théoriquement qualifié pour un poste ne l’est en fait pas dans la réalité. Autre problème croissant : un niveau trop faible en langues (arabe, française et anglaise) et en expression (écrite et orale) qui se traduit par des capacités réduites de rédaction de rapports, de projets, d’argumentation, ainsi que par des carences dans les interactions professionnelles. « Les deux tiers des demandeurs d’emploi sont jugés incompétents par les chefs d’entreprises car ils n’arrivent pas à s’exprimer » indique Faycel Derbal.
Les compétences les plus recherchées par les entreprises en Tunisie (IACE, 2016):
Au vu des résultats de l’enquête, ces lacunes sont inhérentes au système d’éducation et de formation et ne sont pas liées aux exigences des entreprises. D’où les recommandations de l’IACE pour mieux adapter au marché de l’emploi le système universitaire, considéré comme responsable du chômage massif des diplômés de l’enseignement supérieur.
Le think-tank préconise par exemple de mettre en place des services de suivi des diplômés et d’évaluer les performances en termes de placement, de créer quatre pôles universitaires (deux au nord du pays, un au centre et un au sud) pour rationaliser l’utilisation des moyens financiers et coordonner l’offre de formation, ou encore de modifier les statuts et modes de rémunération des enseignants-chercheurs.
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