Moi, Louise L., mon séjour africain et mes affabulations

L’Afrique a soupé des autoproclamés sauveteurs du continent. Alors, quand la comédienne écossaise Louise Linton publie un témoignage approximatif de son expérience zambienne, elle ne tarde pas à recevoir une volée de bois vert…

L’œil de Glez. © Glez / JA

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Publié le 15 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

Trop cool, trop hype, trop swag, le cliché Instagram de la chanteuse Madonna en train de visiter le chantier de l’unité de chirurgie pédiatrique qu’elle finance à Blantyre, la capitale économique du Malawi, après avoir adopté deux orphelins de cette contrée qu’on imagine déshéritée à souhait. Quelle star hyper peroxydée ne rêverait pas de casser son image « carpette rouge » en une réputation « tapis de latérite ». Et pourquoi la blonde Louise Linton n’aurait-elle pas droit à son heure de gloire exotique ?

Sa carrière n’ayant, de toute façon, ni la densité ni la résonance de celle de la chanteuse pop, la comédienne écossaise a décidé de publier son propre récit africain. Ne pouvant manifestement compter que sur elle-même, elle a eu recours à l’autoédition et à des souvenirs personnels datant d’une quinzaine d’année.
C’est à 18 ans qu’elle a entrepris un séjour humanitaire de cinq mois sur les rives du lac Tanganyika. Quinze ans et quelques apparitions télévisuelles plus tard, sa volonté d’aider, à l’époque, « l’un des peuples les plus pauvres du monde » a valeur de pitch pour un futur long-métrage dont elle pourrait légitimement assumer le premier rôle. Avec la béquille littéraire de la co-auteur Wendy Holden, voilà édité le livre de témoignage « In Congo’s Shadow » (« Dans l’ombre du Congo »). Et voici publiées les « bonnes feuilles » sur le site du britannique Telegraph.

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Bonnet d’âne

Si c’est un buzz que l’actrice cherchait, elle l’a obtenu. Mais c’est moins un prix littéraire qu’elle devrait récolter qu’un de ces bonnets d’âne que seule la communauté des internautes sait décerner. Dès la publication des premiers extraits, les Zambiens s’insurgent contre le contenu du livre, obligeant la comédienne à présenter ses excuses, à fermer son compte Twitter et à promettre le reversement de tous les profits du livre à des œuvres caritatives.

Mémoire défaillante ou dramatisation délibérée du récit ? La description que Louise Linton fait de l’impact zambien de la guerre du Congo exhale des parfums anachroniques. Sur Facebook, un témoin de l’époque, le pêcheur occidental Gerard Zytkow, précise que si l’Écossaise était effectivement en Zambie pendant la guerre du Congo de 2002, elle se trouvait à l’abri, à Kasaba, alors que le conflit faisait plutôt rage aux alentours de Ndole. Les détails incongrus s’accumulent : Louise Linton confond le conflit du Congo de 1999 et le génocide rwandais de 1994 ou évoque des moussons dans un pays qui n’en connaît pas. Le lynchage sur les réseaux sociaux commence et enfante le hashtag #LintonLies (les mensonges de Linton)…

À vouloir s’inventer un passé de saint-bernard, on finit par demander pardon avec un regard de chien battu…

Sans doute la plupart des internautes sont-ils prêts à comprendre les imprécisions d’une expérience devenue récit quinze ans plus tard. Mais ils sont saturés des fantaisies de starlettes qui cherchent en l’Afrique un faire-valoir bon marché. Le net africain vomit l’Écossaise, comme il dénonce, ces derniers mois, les « volontouristes » qui, sous leurs airs de poupée Barbie, prétendent sauver le sud de la planète. Dans son ouvrage, Louise Linton se qualifie elle-même de « Muzungu with angel hair » (blanche aux cheveux d’ange). Il n’en fallait pas plus pour que les twittos la surnomment, avec ironie « White Saviour with Angel Hair » (« sauveuse blanche aux cheveux d’ange »). À vouloir s’inventer un passé de saint-bernard, on finit par demander pardon avec un regard de chien battu…

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