RDC : et maintenant, le recensement ?
Compter les habitants du pays avant de les appeler aux urnes ? Le projet, titanesque, menaçait le respect du calendrier électoral. Les autorités ont fait machine arrière, mais un recensement demeure indispensable.
Ce qui, au départ, apparaissait comme une oeuvre de salut public a pris les allures d’un serpent de mer brutalement devenu le principal sujet de discorde à Kinshasa. Le pouvoir a voulu faire du recensement administratif de la population, qui n’a plus eu lieu dans le pays depuis 1970, un préalable à l’organisation de la prochaine élection présidentielle, prévue en 2016.
Pour l’opposition, qui n’a plus aucune confiance en la parole de l’exécutif depuis longtemps, la cause est entendue : il s’agissait d’une manoeuvre du camp présidentiel pour permettre à Joseph Kabila de rester au pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle de 2016. Et visiblement, une partie des Congolais partagent cette opinion. En descendant dans la rue malgré des affrontements meurtriers avec la police, manifestants et émeutiers ont fait traverser au chef de l’État la crise la plus sérieuse qu’il ait connue depuis sa réélection contestée, en 2011. Jusqu’au retrait de l’alinéa controversé du projet initial de réforme électorale.
Mais l’adoption d’une nouvelle loi électorale par l’Assemblée, le 25 janvier, ne règle pas toutes les critiques de l’opposition. Et le recensement s’annonce toujours particulièrement long et complexe. Dans le deuxième pays le plus vaste du continent, où les infrastructures, notamment routières, sont dans un état déplorable après deux décennies de guerres et d’instabilité, parvenir à identifier chacun des quelque 70 millions de Congolais jusque dans les plus denses forêts est un défi logistique considérable. Le projet, présenté par Adolphe Lumanu, directeur général de l’Office national d’identification de la population (Onip), prévoit la construction de bureaux et de centres de données dans chacune des 26 provinces, ainsi que la création d’un réseau de communication satellitaire indépendant reliant 245 sites.
Le recensement doit coûter 500 millions de dollars
Combien de temps pourraient prendre ces opérations ? Les estimations d’experts indépendants varient entre vingt mois, pour les plus optimistes, et cinq ans… Le professeur Grégoire Kankwanda, qui travaillait déjà sur ce recensement à l’Institut national de la statistique en 2010, avait estimé qu’il durerait trois ans. Et dans une interview parue dans Jeune Afrique en décembre 2014, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), l’abbé Apollinaire Malu Malu, s’était lui-même inquiété du "problème" que représentait le recensement pour le respect du calendrier électoral.
Adolphe Lumanu semble donc avoir été optimiste lorsque, en novembre, il estimait pouvoir mener à bien les opérations dans "un délai de douze mois", tout en précisant qu’il fallait d’abord lever "l’hypothèque des contraintes financières". Or là encore, les incertitudes sont grandes. Le recensement doit coûter, selon l’Onip, quelque 500 millions de dollars (environ 430 millions d’euros). Huawei, l’entreprise chinoise sélectionnée pour le conduire, doit théoriquement se rémunérer en facturant la délivrance des titres d’identité. Reste à savoir qui va lui avancer les fonds.
Le pouvoir évoque la China Exim Bank, établissement public spécialisé dans le financement des projets des entreprises chinoises à l’étranger. Mais selon d’autres sources, ce financement est loin d’être acquis. "Les Chinois nous assurent qu’aucun accord n’a été signé, et il n’est pas du tout sûr qu’ils veuillent s’embarquer dans une opération aussi périlleuse", confie un diplomate européen à Kinshasa. "Quoi qu’il en soit, la position des ambassadeurs occidentaux à Kinshasa est unanime : il est exclu que leurs pays financent la moindre opération tant qu’un calendrier électoral complet n’est pas publié."
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