Génocide au Rwanda : le temps aussi est assassin

Le 6 juillet, au terme d’un procès de plus de huit semaines, la cour d’assises de Paris a condamné deux anciens bourgmestres rwandais, Tito Barahira et Octavien Ngenzi, à la réclusion criminelle à perpétuité – la peine maximale !

Vue du centre ville de Kigali depuis Ruhango. © Vincent Fournier/JA

Vue du centre ville de Kigali depuis Ruhango. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 25 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

Mais ce verdict a été prononcé dans l’indifférence quasi générale, les grands médias s’en sont peu fait l’écho, et les deux accusés ont déjà fait savoir qu’ils allaient faire appel.

C’est seulement la deuxième fois qu’une condamnation pour génocide et crimes contre l’humanité est prononcée en France. La première fois, c’était le 14 mars 2014, quand Pascal Simbikangwa, un ancien capitaine de la garde présidentielle, avait été condamné à vingt-cinq ans de prison. Il a aussi fait appel, et son procès en seconde instance se déroulera à partir du 25 octobre, devant les assises de Bobigny.

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Tito Barahira et Octavien Ngenzi se sont succédé à la tête de la commune de Kabarondo, dans l’est du Rwanda. Ils faisaient partie de ces personnes – nombreuses – soupçonnées d’avoir participé au génocide des Tutsis, en 1994, mais qui menaient une vie tranquille en France. Aujourd’hui encore, près d’une trentaine de plaintes sont en cours d’instruction au pôle « génocide et crimes contre l’humanité » du tribunal de grande instance de Paris. Elles concernent des médecins, des religieux, de hauts responsables politiques ou militaires du régime Habyarimana.

Certains d’entre eux ont acquis la nationalité française et mènent en France une vie paisible. Dans ce pays, nous pouvons être amenés à côtoyer, malgré nous, des criminels responsables de la mort de milliers de personnes, même si de nombreux responsables politiques, de gauche comme de droite, affirment régulièrement que la France ne sera jamais un « havre de paix pour génocidaires ».

Il est en outre regrettable que cette condamnation ait été ignorée par la plupart des médias

La condamnation de Tito Barahira et d’Octavien Ngenzi devrait être perçue comme un signal fort. C’est la preuve que des jurés populaires n’hésitent pas à prononcer la peine maximale pour des génocidaires qui se croyaient hors d’atteinte. Mais cela suffira-t-il à inquiéter ceux qui sont soupçonnés d’avoir pris part au génocide des Tutsis et qui vivent ici ?

Il est en outre regrettable que cette condamnation, pour importante qu’elle soit, arrive plus de vingt-deux ans après les faits et, comme nous l’avons dit plus haut, qu’elle ait été ignorée par la plupart des médias. Combien de journalistes ont-ils assisté au procès ? Le devoir des médias n’est-il pas d’informer l’opinion publique ? Les citoyens français n’ont-ils pas le droit de savoir qu’ils côtoient, depuis plus de vingt ans, des criminels qui, une fois que la justice décide de leur demander des comptes, sont condamnés à la réclusion à perpétuité ?

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Le crime de génocide est le plus grave qui soit : il est imprescriptible. Et il est absolument anormal que la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité de deux génocidaires soit passée sous silence.

Sur le plan judiciaire, soulignons que le parquet aurait dû prendre l’initiative des poursuites mais que c’est à une association que revient ce mérite : le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Soulignons aussi que le Rwanda a émis des mandats d’arrêt internationaux avec demandes d’extradition qui se sont heurtés, jusqu’à ce jour, à des refus systématiques de la justice française.

Seulement deux condamnations en vingt-deux ans en France!

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Ce refus de la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, est d’autant moins compréhensible que la justice de ce pays ne s’est pas dérobée, dans le passé, en condamnant Paul Touvier, Maurice Papon ou Klaus Barbie. À l’époque, elle s’était appuyée, non sur une loi spécifique qui n’existait pas au moment de la commission des faits, mais sur les conventions internationales de New York et de Genève, qui permettaient de poursuivre les suspects.

Deux condamnations en vingt-deux ans ! Combien de temps faudra-t-il encore pour juger tous les génocidaires présents sur le sol français ? Entre la lenteur de la justice et le silence de ceux qui devraient informer, on est en train de tuer une seconde fois les innocents qui ont payé de leur vie la folie de ceux qui, en 1994, au Rwanda, avaient décidé d’exterminer à jamais leurs semblables. Leurs frères.

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