Terrorisme : ouvrons les yeux

Que faire face à l’horreur qui frappe chaque jour ? Notre monde a définitivement basculé, s’il fallait s’en convaincre, dans une nouvelle ère : celle de la terreur qui peut surgir, partout, à n’importe quel moment, emportant dans son sillage indistinctement policiers, militaires, citoyens lambda, femmes et enfants, nationaux ou étrangers.

« Assassin » écrit en lettres rouges sur la promenade des Anglais à Nice, le 17 juillet 2016, trois jours après l’attaque ayant coûté la vie à plus de 84 personnes. © François Mori/AP/Sipa

« Assassin » écrit en lettres rouges sur la promenade des Anglais à Nice, le 17 juillet 2016, trois jours après l’attaque ayant coûté la vie à plus de 84 personnes. © François Mori/AP/Sipa

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 18 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

Il faut apprendre à vivre avec – hélas, avons-nous seulement le choix ? –, tout mettre en œuvre pour s’en prémunir tout en sachant qu’il n’y aura jamais de havre de sécurité totale, agir et non plus se contenter de réagir à chaque drame.

L’atroce attaque de Nice, ce 14 juillet, illustre ce à quoi nous ne nous habituerons jamais mais que nous devons tout de même intégrer : un homme, même seul, muni d’une arme ou d’un véhicule, né ou vivant dans un pays donné dans lequel il se fond, avec ou sans antécédents permettant de déceler sa haine ou de prévenir son macabre projet, pourra toujours commettre un carnage. Dans une gare, un aéroport, les transports en commun, une salle de concert, un hôtel, une terrasse de café.

La menace nous concerne tous, à Paris comme à Bagdad, à Bruxelles comme à Ouagadougou

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Les « cerveaux » déments de ces actes odieux qui nécessitent peu de moyens frapperont au hasard ou, au contraire, choisiront méticuleusement leurs cibles et le jour J. Pour ce qu’ils représentent. Pour marquer les esprits et faire parler d’eux. D’autres agiront de manière solitaire, sans véritable élaboration ni chaîne de commandement.

La menace nous concerne tous, à Paris comme à Bagdad, à Bruxelles comme à Ouagadougou, à Istanbul comme à Abidjan, à Orlando comme à Bamako, Tunis ou Nairobi. Elle a radicalement changé : le terrorisme aveugle n’a plus de noyau ni de centre. Le temps des Ben Laden et des Zawahiri, intellectuels issus des classes moyennes ou supérieures, est révolu. En lieu et place, des petits chefs quasi analphabètes et à peine éduqués qui lèvent des bataillons de hères transformés en monstres en claquant des doigts ou en agitant des dollars.

Le cancer a évolué : ses métastases se sont développées et répandues à la vitesse de l’éclair. Il ne s’agit plus aujourd’hui de détruire Al-Qaïda ou de jeter le corps de son chef aux requins. Ni même de simplement vitrifier Daesh en Syrie, en Irak ou en Libye. Non, le défi qui nous est imposé est mille fois plus complexe et difficile à relever.

Que faire alors ? Beaucoup a été dit et écrit sur le sujet, après chaque drame. Les pistes sont nombreuses. Il faut plus de moyens pour protéger les citoyens (police, armée, justice, renseignement). S’employer à éradiquer le mal impitoyablement par la force. Et, même si certains n’aiment pas l’entendre, couper ses racines par l’éducation, le développement et la lutte acharnée contre l’ostracisme.

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Aveuglement suicidaire

Voilà pour les évidences. Mais il y a un préalable, trop souvent occulté : nous devons, coûte que coûte, ouvrir les yeux. Comment peut-on prétendre combattre un fléau que l’on ne connaît pas ou que nous ne voulons pas connaître ? Nous sommes chaque fois surpris par les évolutions auxquelles nous sommes confrontés. Nous n’avons vu venir ni les révolutions arabes ni la montée de l’islamisme politique et encore moins celle du terrorisme actuel.

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Quand le Premier ministre français, Manuel Valls, prétend qu’« expliquer c’est déjà vouloir un peu excuser », quand la paresse intellectuelle ou la répugnance pour l’ennemi nous incitent à nous arc-bouter sur nos « certitudes » binaires, nous nous enfermons dans un aveuglement suicidaire. L’action a plus que tout besoin de la pensée et de la connaissance.

C’est valable en Occident, cela l’est tout autant dans le monde musulman, dont il faut tout de même rappeler qu’il est la première victime, et de loin, du jihadisme. Un monde qui enfante des monstres mais refuse de l’accepter. Qui s’indigne et prétend que cette vague hideuse qui nous frappe n’est pas l’islam – ce qui est évidemment vrai – mais ne se demande que rarement pourquoi et comment ces démons ont pu naître en son sein, dans cette religion en particulier.

Chercheurs, universitaires, intellectuels, experts, autorités morales : tous doivent participer à ce combat, tenter de penser ce qui nous semble impensable en prenant le temps de la réflexion, en accumulant les données, en s’imprégnant de la propagande jihadiste, en aidant nos dirigeants à se persuader qu’il n’y a pas de réponse simple à un problème aussi complexe. Nous devons tout savoir de cet ennemi devenu intime, qui, lui, nous connaît bien mieux, et des mécanismes qui l’animent. L’ignorance comme l’arrogance n’ont jamais permis de remporter une guerre…

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