Boko Haram recule, mais pour les Nigérians, la victoire reste lointaine

L’armée a repris des zones entières à Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, rouvrant des axes stratégiques jusqu’ici tenus par le groupe islamiste, mais les habitants savent que les rebelles, repliés sur les îles du lac Tchad, sont loin d’être vaincus.

Civils déplacés suite aux attaques de Boko Haram, à Maiduguri, au Nigeria, le 9 septembre 2014. © Jossy Ola / AP / SIPA

Civils déplacés suite aux attaques de Boko Haram, à Maiduguri, au Nigeria, le 9 septembre 2014. © Jossy Ola / AP / SIPA

Publié le 16 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

Et à l’heure où le gouvernement et les militaires assurent que la victoire est proche, les humanitaires eux constatent avec dépit que les zones reculées de l’État de Borno, fief des rebelles islamistes, leur demeurent inaccessibles et alertent sur la malnutrition, voire la famine, qui menace des dizaines de milliers de personnes.

Côté militaire, les progrès sont incontestables depuis 2014, époque à laquelle Boko Haram contrôlait un territoire de la taille de la Belgique où il avait été jusqu’à établir un « califat » islamique.

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La semaine dernière, l’armée a ainsi annoncé la réouverture d’une route commerciale stratégique, celle reliant sur 140 kilomètres Maiduguri, la capitale de l’État de Borno, à Gamboru, sur la frontière camerounaise. On a pu voir depuis des voitures ou des camions chargés de marchandises l’emprunter sous escorte militaire.

« Plus de 5 000 personnes sont retournées à Gamboru la semaine dernière après la réouverture de la route », assure à l’AFP, sous couvert d’anonymat, un membre du comité créé par le gouvernement pour encadrer les transports.

Boko Haram avait pris Gamboru en août 2014, contraignant des milliers d’habitants à traverser la rivière les séparant du Cameroun et à se réfugier dans la ville voisine de Fotokol. Les forces tchadiennes, elles aussi engagées contre Boko Haram, avaient repris la ville en février 2015, après des combats féroces qui avaient coûté la vie à des centaines de rebelles.

Les habitants ont commencé à regagner Gamboru en mars 2015, mais depuis la réouverture de la route, il y a eu « un afflux énorme » en provenance de Maiduguri, témoigne Umar Ari, un habitant.

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Selon lui, « les activités commerciales reprennent vite avec le retour des marchandises de Maiduguri. Certains ont commencé à reconstruire leur maison. » Le travail reprend même dans les fermes, désertées durant les dernières deux récoltes.

Mais ce calme demeure précaire, car Boko Haram poursuit ses attaques tant contre les villageois que contre les soldats nigérians.

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– Karamga, sanctuaire stratégique –

Ainsi, mardi, le groupe a assailli la ville de garnison de Kangarwa, sur les rives du lac Tchad, qui n’avait été reprise que trois semaines plus tôt par l’armée. Les soldats ont pu repousser cette attaque qui a duré trois heures, notamment grâce au soutien aérien tchadien. Selon l’armée nigériane, ces affrontements ont coûté la vie à deux soldats, ainsi qu’à un nombre « énorme » de militants islamistes.

Afin d’échapper aux opérations militaires, les rebelles islamistes se sont repliés autour du lac Tchad, où se rejoignent Nigeria, Niger, Tchad et Cameroun.

Depuis avril, l’armée a lancé une offensive dans la forêt de Sambisa, sanctuaire des islamistes, les forçant à fuir plus au nord et à se réfugier sur les dizaines d’îlots dispersés sur le lac. La végétation très dense de ces petites îles leur assure une protection contre les assauts, tandis que le lac leur fournit de l’eau douce et des poissons, ont témoigné des habitants de Jibillaram, un village récemment libéré.

« Ils vivent sur ces îlots d’où ils lancent des attaques sur des villages pour piller de la nourriture et d’autres provisions car ils ne peuvent se nourrir uniquement de poisson », raconte le villageois Mele Abor.

Plus de 4 000 habitants de Jibillaram et des villages environnants ont été conduits le mois dernier dans un camp de Gamboru.

Située au large du Niger, mais surtout au confluent de voies navigables et de marécages chevauchant les quatre pays frontaliers, l’île de Karamga est le bastion le plus stratégique de Boko Haram, selon Saleh Wal-Sayinna, un milicien civil qui assiste l’armée contre les rebelles.

Boko Haram a attaqué Karamga le 25 avril à bord d’embarcations rapides, tuant au moins 74 personnes, dont des soldats nigériens. Une semaine plus tard, les autorités ordonnaient aux résidents de quitter l’île, prétextant une offensive imminente de l’armée. Mais celle-ci n’a jamais été menée et Boko Haram en a profité pour s’installer sur l’îlot.

La marine nigériane a promis d’installer des canonnières sur le lac et les berges devraient être ciblées par la coalition militaire régionale qui, officialisée sur le papier, peine à se déployer sur le terrain.

De Karamga, assure Saleh le milicien, le groupe rebelle a accès aux routes de ravitaillement en armes de contrebande venant de Libye et transitant par le Sahel. Par conséquent, « tant que Karamga ne sera pas reprise, les attaques de Boko Haram ne cesseront pas ».

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