Turquie : près de 17 000 Turcs touchés par la purge lancée par Erdogan après le coup d’État manqué

Le chef de l’État a évoqué dimanche la possible réintroduction de la peine de mort après l’échec de la tentative de putsch dans la nuit de vendredi à samedi. De son côté, la communauté internationale s’inquiète et réclame le respect de l’État de droit.

Arrestation de militaires par la police, à Mugla, le 17 juillet 2016. © Tolga Adanali/AP/SIPA

Arrestation de militaires par la police, à Mugla, le 17 juillet 2016. © Tolga Adanali/AP/SIPA

Publié le 18 juillet 2016 Lecture : 4 minutes.

Plus de 7 500 personnes ont déjà été placées en garde à vue après le coup d’État manqué en Turquie, a indiqué lundi 18 juillet le Premier ministre Binali Yildirim. Et près de 9 000 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur ont été limogés, en majorité des policiers. « Nous allons demander des comptes pour chaque goutte de sang versée », a promis le Premier ministre à l’issue d’un conseil des ministres à Ankara.

Il a toutefois souligné qu’Ankara allait « agir dans le cadre du droit », alors que l’Union européenne et les États-Unis viennent d’appeler la Turquie à respecter l’État de droit. Recep Tayyip Erdogan a évoqué dimanche une possible réintroduction de la peine capitale en Turquie, abolie en 2004 dans le cadre de la candidature du pays à l’UE. « C’est un sujet qui doit être pensé en détail, débattu au Parlement, qui nécessite un changement de la Constitution », a pour sa part indiqué le Premier ministre.

  • 17 000 personnes concernées par la purge

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Parmi les 7 500 suspects placés en garde à vue figurent une majorité de militaires, environ 6 000, ainsi que 755 magistrats et 100 policiers, a précisé le chef du gouvernement turc. Près de 3 000 mandats d’arrêt ont, par ailleurs, été délivrés à l’encontre de juges et de procureurs.

M. Yildirim a également fait état de 208 « martyrs » dans la nuit de vendredi, pour un bilan total de 265 morts, tous bords confondus.

Par ailleurs, 8 777 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur turc ont été limogés, a rapporté lundi l’agence de presse progouvernementale Anadolu. Près de 4 500 policiers et 614 gendarmes figurent parmi les fonctionnaires écartés, selon Anadolu qui cite le ministère de l’Intérieur. Un gouverneur de province et 29 gouverneurs de municipalités ont aussi été mis à pied.

Ce « grand ménage » vise les personnes soupçonnées de liens avec le prédicateur exilé aux États-Unis Fethullah Gülen. Bête noire du président turc, il est accusé d’avoir fomenté la tentative de putsch, ce que M. Gülen a formellement démenti.

  • Huit militaires réfugiés en Turquie

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Huit militaires turcs qui ont fui samedi par hélicoptère après le coup d’État manqué seront jugés jeudi en comparution immédiate pour entrée illégale en Grèce et violation de son espace aérien, selon une source judiciaire grecque. Les prévenus, deux commandants, quatre capitaines et deux sergents, ont atterri à l’aéroport d’Alexandroupolis après avoir envoyé un signal de détresse à l’intention des autorités aéroportuaires de cette ville située près de la frontière dans le nord-est, à 300 km d’Istanbul.

Selon leur avocate, ils vont demander l’asile en Grèce car ils n’ont, disent-ils, pas pris part à la tentative de putsch et ont fui lorsque des policiers leur ont tiré dessus. Tous mariés et âgés d’une quarantaine d’années, ils ont agi de la sorte car ils étaient inquiets pour leur vie et celle de leur famille, a précisé Me Marinaki. Le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlut Cavusoglu, a annoncé qu’Ankara demandait leur extradition.

  • Vacances annulées pour les fonctionnaires

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Les congés annuels de tous les fonctionnaires turcs ont été annulés jusqu’à nouvel ordre, selon une décision du Premier ministre publiée au Journal officiel lundi. Ceux qui se trouvent en vacances sont appelés à « regagner leur poste dans les plus brefs délais », selon le texte qui concerne au total plus de trois millions de personnes.

  • Inquiétude de la communauté internationale

La communauté internationale observe avec inquiétude cette vague de répression. « La rapidité et le nombre des arrestations depuis vendredi laissent penser que le gouvernement disposait, au préalable, d’une liste à cette fin », a estimé lundi le commissaire européen à l’Élargissement, Johannes Hahn. « Je suis très préoccupé. C’est exactement ce que nous redoutions », a-t-il ajouté.

« Aucun pays ne peut adhérer à l’UE s’il introduit la peine de mort », a souligné la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Le porte-parole du gouvernement allemand a, lui aussi, estimé que la réintroduction de la peine capitale est une ligne rouge à ne pas franchir. « Une telle chose est inacceptable », a-t-il insisté, dénonçant par ailleurs lors « des premières heures après l’échec du putsch des scènes révoltantes d’arbitraire et de vengeance envers des soldats, en pleine rue ».

« Nous appelons fermement le gouvernement de Turquie à maintenir le calme et la stabilité dans le pays, et nous appelons aussi le gouvernement de Turquie à respecter les institutions démocratiques de la nation et l’État de droit », a, de son côté, plaidé John Kerry, le secrétaire d’État des États-Unis lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion avec ses homologues des Affaires étrangères de l’UE ; une première dans l’histoire de l’Union.

Interrogé sur la demande faite par le président turc Recep Tayyip Erdogan que Washington lui livre le prédicateur en exil Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’avoir fomenté le putsch avorté, M. Kerry a estimé que le régime turc devait présenter des preuves et non des allégations contre l’opposant de 75 ans qui vit reclus dans le nord-est des Etats-Unis depuis 1999.

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