Ignorantus, ignoranta…

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 27 janvier 2015 Lecture : 2 minutes.

Au début de ce mois, j’ai rencontré tout à fait par hasard un ancien collègue de l’ex-télévision nationale Télé Zaïre. Belle occasion pour nous de ressasser le passé. Il m’a surtout parlé d’une époque que je n’ai pas vécue, les années 1990. Moi j’étais à l’étranger et lui se trouvait au coeur du combat politique, du côté de l’opposition, jusqu’à devenir chargé de la communication d’un important leader, très populaire, qui incarnait le changement, mais qui n’a jamais réussi à accéder au pouvoir.

J’ai dit à mon ancien collègue, exemples à l’appui, que ce leader n’avait jamais cherché à diriger le pays. Jusque-là, il n’y a rien de drôle. J’en conviens. Comme tous les nostalgiques du monde, nous en sommes arrivés à évoquer notre jeunesse à Télé Zaïre. Et je lui rappelle ma suspension "pour avoir créé des difficultés d’ordre technique à l’antenne". Je n’avais, en réalité, "créé" aucune difficulté. On me reprochait simplement d’avoir osé recevoir un écrivain… soviétique. Pour ceux qui ne le savent pas, nous étions encore en pleine guerre froide.

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L’ancien collègue me parle à son tour d’une expérience vécue en 2007. Chargé de créer une chaîne de télévision, il fait diffuser un communiqué à l’intention de candidats journalistes. Il en arrive cent, dont 90 % de demoiselles et de dames tirées à quatre épingles, très maquillées et sentant bon. L’ami, de bonne foi, croit alors que l’habit fait le ou la journaliste. Les entretiens préliminaires commencent.

Question : "Citez-moi les pays frontaliers de la République démocratique du Congo." Réponse : "La Somalie, l’Égypte, le Gabon." L’ami croit qu’il s’agit d’une plaisanterie. Il dit à une candidate : "En face, quand vous traversez le fleuve, il y a bien un pays frontalier, non ?" Réponse : "Oui, c’est Brazzaville." L’ami : "Brazzaville, c’est un pays ?" Silence. Nouvelle question : "Qu’est-ce que l’Union africaine ?" Réponse : "C’est une ONG qui s’occupe des enfants de la rue."

L’examinateur s’imagine que les candidats et candidates se paient sa tête. Pour être certain qu’il ne se trompe pas, il pose une nouvelle question : "Où se trouve le siège de l’Union africaine, cette "ONG" ?" La postulante n’hésite pas un seul instant : "Aux Galeries présidentielles", c’est-à-dire un immeuble de Kinshasa. Le recruteur n’en croit pas ses oreilles.

Dernière tentative : "Citez-moi quelques provinces du Congo et leurs chefs-lieux." La réponse est vite donnée : "C’est, par exemple, la province de Boma, chef-lieu Kikwit." Sauf que Boma est une ville de la province du Bas-Congo et Kikwit la deuxième ville de la province du Bandundu. Finalement, tout le monde est renvoyé. Commentaires des candidats, furieux, dans les couloirs : "D’où vient ce type ? Il pense que nous sommes venus chercher du travail ou répondre à ses questions difficiles ?"

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Faut-il en rire ou pleurer ? Je vous laisse choisir. Cela me rappelle un journaliste qui faisait partie d’un groupe issu d’une chaîne de télévision kinoise que j’encadrais bénévolement il y a trois ans de cela. Au cours d’un exercice portant sur l’écriture, il a utilisé l’expression "selon la bouche" que je ne connaissais pas. Lorsque je lui demande ce que cela veut dire, il me répond : "Monsieur, vous ne savez pas que chaque journaliste a son style ?" Et il ajoute qu’il écrit pour les intellectuels. Intellectuels ? "Oui, ceux qui parlent français." Vraiment ?

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