RD Congo – Affaire Biac : nouvelle passe d’armes entre la Primature et la Banque centrale
Dans un communiqué au ton surprenant, la Primature dénonce une « mafia financière connectée à la Banque centrale » au sein de la Biac, la troisième banque du pays, actuellement sous administration provisoire. La Banque centrale dément et s’offusque.
Décidément, l’ »affaire Biac », du nom de la troisième banque de RDC (la Banque internationale pour l’Afrique au Congo), ne cesse de rebondir.
Placée sous administration provisoire le 30 mai dernier, deux mois après un changement de direction générale, la banque congolaise détenue à 100 % par la famille Blattner serait encore plus en difficultés, à en croire un communiqué de la Primature, parvenu à Jeune Afrique le 19 juillet.
Faisant le constat, à l’issue d’une réunion extraordinaire de la « troïka stratégique »*, de l’évolution défavorable des besoins de refinancement de la banque (passés à 125 milliards de francs congolais au 17 juillet 2016 – environ 115,5 millions d’euros), le texte du Premier ministre indique : « Après débats et délibérations, il ressort de cette concertation que la maffia [sic] financière s’est bel et bien installée à la Biac au regard des opérations de création monétaire de 72,7 milliards de francs congolais passées sans nantissement. Par ailleurs des manquements sont à relever dans le chef des cadres de la Biac et des membres du comité de gestion provisoire. De ce qui précède, les membres de la troïka stratégique ont convenu la prise des mesures draconiennes pour arrêter cette maffia financière qui s’est installée au sein de la Biac avec les connexions à la BCC [Banque centrale du Congo]. »
« Mafia financière »
Le communiqué de la Primature lie la dépréciation continue de la monnaie nationale (qui a perdu un peu plus de 3% de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année selon le site oanda.com) à « la création monétaire ex nihilo faite à travers la Biac ».
Le communiqué ne détaille pas « les mesures draconiennes » qui auraient été prises. Un message adressé à la Primature par Jeune Afrique pour avoir davantage de précisions reste pour l’instant sans réponse.
Dans un article publié le 19 juillet en fin de journée, l’agence Bloomberg a toutefois indiqué que le Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, aurait ordonné à la Banque centrale de stopper les financements accordés à la Biac.
Déjà, à la fin du mois de février, la Primature avait ordonné à la Banque centrale de mettre un terme au « refinancement plafonné à hauteur de 40 milliards de francs congolais (37,5 millions d’euros) » accordé à la Biac. La décision, ainsi que des rumeurs de faillite, avait entraîné des retraits massifs de la part des clients de cet établissement, qui figure parmi les plus grandes banques de détail du pays (340 000 déposants avant la crise). La ligne de financement avait été rétablie quelques semaines plus tard.
(Ci-dessous, un extrait du communiqué de la primature, le texte complet est disponible ici.)
Jointe par Jeune Afrique le 19 juillet au soir, la Banque centrale du Congo s’insurge du communiqué de la Primature, rejetant l’idée d’une « mafia » installée à la Biac et toute volonté de déstabiliser la monnaie.
« Ce communiqué ne dénote point l’esprit et la lettre de l’engagement de la BCC quant à sa mission qui consiste à stabiliser la monnaie et à accompagner l’économie nationale », a indiqué Plante Kibadhi, porte-parole de l’institution, dans un message électronique adressé à Jeune Afrique.
Indépendance
Dans une longue note réalisée en amont de la réunion extraordinaire de la « troïka stratégique », la Banque centrale explique les causes du solde débiteur de 125 milliards de francs congolais. Sur ce solde, 62 milliards de francs congolais correspondent au refinancement accordé à la Biac par la BCC . Les 63 autres milliards correspondent à la couverture accordée par la BCC dans le cadre de paiements d’impôts de la part des déposants de la Biac.
Des « chèques sans provision », tonne la Primature.
La Banque centrale avance, quant à elle, que ces paiements, principalement faits en faveur du Trésor public congolais, ne nécessitent pas que les comptes soient provisionnés.
Repreneur
Cette passe d’armes entre la Primature et la Banque centrale n’est pas la première sur le dossier de la Biac.
Fin mai, l’opposition avait éclaté au grand jour, lorsque devant l’Assemblée nationale, le gouverneur, tout en rappelant les difficultés financières de la Biac (insuffisance des fonds propres, manque de rentabilité, dégradation du portefeuille de prêts), a martelé : « Si le gouvernement avait suivi les conseils de la Banque centrale, qui s’est abstenue d’appliquer cette mesure [retrait de la ligne de refinancement, ndlr] pendant 48 heures, avant de recevoir une injonction écrite pour s’exécuter, je reste convaincu qu’on n’aurait pas vécu cette malheureuse situation. »
Le Premier ministre avait rétorqué que la Biac était en situation de « faillite dissimulée », la ligne de refinancement n’étant à ses yeux qu’un pansement sur une maladie plus grave (la mauvaise gestion). Il avait par la même occasion critiqué la supervision de la Biac par la Banque centrale.
La Biac est sous administration provisoire pour six mois. L’un des objectifs est de trouver un repreneur pour cet établissement.
*Ce comité rassemble autour du Premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo, plusieurs hauts responsables économiques, parmi lesquels le gouverneur de la Banque centrale ainsi que les ministres des Finances, du Budget et de l’Économie.
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