SOS islam
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 26 janvier 2015 Lecture : 2 minutes.
Pour les intéressés, le sujet est tabou, mais il est grand temps qu’ils l’abordent de front et sans oeillères. Mis à l’index, méconnu, objet de tous les clichés, le monde arabo-musulman est aujourd’hui confronté à un immense défi : la révolution, sur tous les plans, qu’il doit opérer pour redevenir ce qu’il fut il y a plusieurs siècles, mais dont seuls les livres d’histoire conservent la trace.
Gardons-nous, bien sûr, de tomber dans la caricature, comme c’est trop souvent le cas en Occident, où musulmans et fous de Dieu sont mis dans le même sac et où l’on écoute plus volontiers l’arbre qui tombe que la forêt qui pousse. Mais n’en soyons pas moins lucides : le sursaut que nombre de musulmans appellent de leurs voeux commence par cette prise de conscience. Et la critique ne doit point être considérée comme une agression, fût-elle adressée à l’islam dans son acception actuelle.
Le monde arabo-musulman peine, à vrai dire il y rechigne de toute son âme, à entrer dans la modernité. Sa dernière période "éclairée" remonte au XIXe siècle, quand des réformistes courageux – Méhémet-Ali, Jamal al-Din al-Afghani ou Mohamed Abduh – et conscients du retard grandissant pris sur le concurrent occidental, lancèrent, depuis l’Égypte, une indispensable nahdha ("renaissance") culturelle, religieuse, mais aussi politique. Hélas, force est de constater que ce réformisme a fait long feu, cédant rapidement la place à la sclérose, laquelle a plongé le monde arabo-musulman dans la décrépitude.
Les élites politiques, économiques et intellectuelles semblent avoir démissionné, et les penseurs, au sens large, sont astreints à la confidentialité.
À de rares exceptions près, dont la Tunisie, la démocratie n’y est qu’un doux rêve. Le conservatisme et l’intolérance vis-à-vis de tout ce qui est différent – ce qui fait beaucoup de monde – y règnent. Les femmes sont traitées comme des sous-citoyennes et cantonnées à leur rôle de mères. Les libertés individuelles et l’État de droit ? Tout juste embryonnaires. La séparation du politique et du religieux ? Une chimère. Les moyens alloués à l’éducation ? D’une affligeante faiblesse. La recherche et l’innovation ? Presque inexistantes.
Les élites politiques, économiques et intellectuelles semblent avoir démissionné, et les penseurs, au sens large, sont astreints à la confidentialité. L’effort d’interprétation (ijtihad) des textes religieux – qui régissent pourtant au-delà du raisonnable, entre halal et haram, la vie quotidienne de millions d’êtres humains – réduit au strict minimum.
Ce monde, écartelé entre son passé et son présent, enfante des monstres – État islamique, Al-Qaïda ou Boko Haram, entre autres -, mais refuse de le reconnaître. On s’indigne, on tweette des #notinmyname, on clame haut et fort que cette face hideuse n’est pas l’islam – ce qui est évidemment vrai -, mais on ne se demande que trop rarement pourquoi et comment ces démons ont pu naître chez nous en s’arc-boutant sur cette religion en particulier. Le mal est profond, ne nous berçons pas d’illusions. N’attendons pas que Dieu nous protège…
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