Violences en RDC : la police mise en cause, blocage au Parlement
Le président de l’Assemblée nationale congolaise a dénoncé samedi un « dérapage » de la police, qui a tiré dans la foule à Kinshasa durant les violences meurtrières du début de semaine provoquées par un projet de loi électorale contesté.
Vendredi, le Sénat a proposé un compromis sur le texte, mais députés et sénateurs de la République démocratique du Congo (RDC) ne parvenaient toujours pas à s’entendre sur une formulation samedi.
Le texte du Sénat impose un respect du calendrier électoral, alors que le projet gouvernemental adopté par les députés ouvrait la possibilité d’un report de la présidentielle, censée avoir lieu fin 2016, ce qui permettrait à Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se maintenir à la tête de l’Etat au-delà de la fin de son mandat. Aujourd’hui, la Constitution lui interdit de se représenter.
De lundi à jeudi, principalement à Kinshasa, des étudiants et des jeunes ont manifesté contre le projet de révision de la loi électorale. La situation, apaisée à Kinshasa depuis mercredi après-midi, restait calme samedi.
"Plus jamais nous n’admettrons que la police tire des balles réelles sur des manifestants, étudiants ou autres en RD Congo. Il y a eu dérapage, aucune autorité sensée ne peut donner l’ordre pour qu’on tire sur son peuple", a déclaré le président de l’Assemblée, Aubin Minaku sur son compte Twitter. En fin de matinée, la deuxième phrase avait été supprimée.
Un bilan incertain
Selon des sources officielles, 13 personnes ont été tuées. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a donné un bilan de 42 morts, et Human Rights Watch (HRW) parle d’au moins 40 tués, dont 21 sous les balles des forces de l’ordre.
La police congolaise est habituée aux scandales. Fin 2014, l’ONU l’avait déjà accusée d’avoir tué au moins 9 personnes lors d’une vaste opération anti-criminalité (novembre 2013 à février 2014) à Kinshasa. HRW avait évoqué au moins 51 tués.
Depuis mardi, le maintien de l’ordre à Kinshasa semblait être assuré par l’armée, et particulièrement la Garde républicaine (GR), l’unité chargée de protéger le président.
Après le compromis proposé par le Sénat sur le texte de loi électorale, la commission paritaire, composée d’élus des deux chambres, doit parvenir à un consensus, faute de quoi l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
De nouveaux rassemblements prévus
Selon des sources parlementaires, les députés n’avaient montré jusqu’en début d’après-midi samedi aucune volonté de composer. La commission devait se réunir à nouveau dans l’après-midi.
Modeste Mutinga, rapporteur du Sénat, a indiqué publiquement que le texte serait adopté "harmonisé ou pas, demain" (dimanche) avant la fin de la session parlementaire, lundi.
Samedi, la Nouvelle société civile congolaise – une fédération d’ONG, de syndicats et d’associations – a exhorté les parlementaires à "user de leur sagesse et s’inscrire dans la dynamique de l’esprit du Sénat en vue de retirer de ce projet de loi toutes les dispositions portant des germes de conflit (…) aux conséquences sociales explosives".
D’ores et déjà, les trois principaux partis d’opposition – deux d’entre eux étant les organisateurs des manifestations de lundi dernier – ont appelé à nouveau à des rassemblements lundi prochain.
Le premier d’entre eux, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, demande d’occuper la rue "pacifiquement" jusqu’à ce que M. Kabila soit contraint de quitter le pouvoir.
"Arrêtez de rêver"
Les deux autres grands partis de l’opposition – l’Union pour la Nation congolaise (UNC) et le Mouvement de libération du Congo (MLC) – devaient se réunir samedi pour confirmer ou non l’appel à manifester.
Pour Tryphon Kin-kiey, ministre des Relations avec le Parlement, il est très peu probable que l’Assemblée accepte en l’état le texte du Sénat.
Son président avait mis en garde vendredi les opposants. "Il n’y aura pas de Burkina Faso à Kinshasa", "arrêtez de rêver", avait-il écrit sur Twitter, faisant référence au soulèvement populaire ayant précipité la chute du président burkinabè Blaise Compaoré fin octobre.
Face aux risques de nouvelles violences, une ambassade occidentale a conseillé vendredi à ses ressortissants de faire des provisions d’eau et de nourriture et de tenir leurs passeports prêts pour un éventuel départ précipité. De sources concordantes, une autre ambassade multipliait les réunions de sécurité.
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