Tunisie : report du vote de confiance au gouvernement de Habib Essid

À peine formé, le gouvernement proposé par le nouveau chef de l’exécutif, Habib Essid, suscite de vives critiques. Au point que le vote de confiance à l’Assemblée des représentants du peuple a été reporté sine die.

Habib Essid, le 5 janvier, à Tunis. © Zoubeir Souissi / Reuters

Habib Essid, le 5 janvier, à Tunis. © Zoubeir Souissi / Reuters

Publié le 26 janvier 2015 Lecture : 2 minutes.

Les Tunisiens qui trouvaient que la fin de la transition jouait les prolongations vont encore devoir attendre. En effet, l’équipe gouvernementale présentée par Habib Essid, le 23 janvier, n’a pas remporté l’adhésion franche des partis politiques dans leur ensemble ni des organisations de la société civile. Conséquences : de nombreux groupes parlementaires et formations politiques ont annoncé qu’ils ne soutiendraient pas le nouvel exécutif lors du vote de confiance à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), comme le montre les graphiques ci-dessous.

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La chose est si sérieuse que même Houcine Abassi, Secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) s’en est mêlé, dénonçant "un manque notoire de représentants des partis politiques" au sein du gouvernement – argument qu’avance également le mouvement islamiste Ennahdha, qui jusqu’à l’annonce de la composition gouvernementale pensait avoir obtenu au moins le portefeuille de l’Éducation.

De fait l’équipe d’Essid laisse les observateurs et acteurs politiques perplexes, voire furieux. Le Front populaire et Afek Tounes – arrivés quatrième et cinquième aux législatives et qui pourraient donc assurer plus d’assise au parti de Nidaa Tounès, détenteur d’une majorité relative au parlement -, ont été écartés, malgré la compétence de plusieurs de leurs cadres, au profit de l’Union patriotique libre (UPL), parti dénué d’un programme politique solide, auquel Essid a octroyé trois ministères dont celui du Tourisme.

Ennahdha en faveur d’un gouvernement d’union nationale

Ce choix, ainsi que la part importante de portefeuilles attribuée à Nidaa Tounès lui-même et aux indépendants, a provoqué l’incompréhension. Et même parfois la suspiscion : le passé trouble de Mohsen Hassan (Union patriotique libre), – un temps pressenti au Tourisme, il est accusé d’escroqueries par ses détracteurs -, ainsi que les risques de conflit d’intérêt pour Najib Derouich (en tant qu’ancien dirigeant de sociétés appartenant à Slim Riahi, patron de l’UPL) aux Investissements et à la Coopération internationale, ont fini par jeter une ombre sur l’ensemble de l’équipe Essid.

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Les magistrats et les juristes se joignent aux protestataires et désapprouvent haut et fort l’octroi du ministère de l’Intérieur au juge Najem Gharsalli, l’accusant d’avoir étroitement collaboré avec le système Ben Ali. Les plus conservateurs s’étonnent par ailleurs qu’un parti libéral comme Nidaa Tounès confie des charges à sept figures ayant des sympathies avec la gauche tunisienne, tout en écartant Ennahdha ou Afek Tounes.

Désormais en tête de l’opposition, les islamistes taclent Essid sur son absence de programme ainsi que sur le manque de représentativité des régions dans sa proposition de gouvernement – la plupart des ministres sont originaires du nord du pays ou de la côte. Mais Ennahdha soutient encore le projet d’un gouvernement d’union nationale élargi à toutes les familles politiques.

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L’importance de la vague de critique vis-à-vis de son gouvernement a surpris Habib Essid, qui est désormais contraint de revoir sa copie sous peine de subir un revers au Parlement. À moins que le président de la République, Béji Caïed Essebsi, ne décide de reprendre la main et ne désigne un autre chef de gouvernement… Dans tous les cas, cette première crise politique laisse présager d’autres bras de fer entre le gouvernement et l’Assemblée.

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Par Frida Dahmani, à Tunis

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