Tunisie : le projet de loi sur la réconciliation économique et financière contesté dans la rue

« Non à la réconciliation ! » ont scandé lundi des centaines de manifestants tunisiens sur l’avenue Habib Bourguiba, en marge des célébrations de la fête de la République tunisienne. Des mouvements comparables ont eu lieu dans une dizaine d’autres villes.

Une pancarte de protestation contre la loi sur la réconciliation économique, le 12 septembre 2015, à Tunis. © Riadh Dridi/AP/SIPA

Une pancarte de protestation contre la loi sur la réconciliation économique, le 12 septembre 2015, à Tunis. © Riadh Dridi/AP/SIPA

Publié le 26 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

Encadrés d’un dispositif sécuritaire important, des militants de la sphère politique et sociale ont (encore une fois) fait entendre leur voix contre le très controversé projet de loi sur la réconciliation économique et financière, en discussion au parlement.

Depuis le 22 juillet, une série de rassemblements a été organisée à travers la Tunisie en contestation de ce projet de loi voulu par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, visant à accélérer les procédures contentieuses touchant les hommes d’affaires et les fonctionnaires soupçonnés de malversation sous le régime de Ben Ali. Une initiative législative que beaucoup considèrent comme un retour de l’impunité. Nabeul, Sousse, Gafsa, Tozeur, Sfax, Jendouba… Dans une dizaine de villes à travers le pays, des militants ont répondu à l’appel lancé par le collectif Manich Msamah (« Je ne pardonne pas »), avant la marche nationale qui a eu lieu à Tunis.

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Un « état d’urgence populaire »

Formé en août 2015 par de jeunes internautes, Manich Msamah a pour objectif le retrait total du projet de loi sur la réconciliation économique et financière. En plus des manifestations de rue, dont la plus importante avait réuni près de 2000 personnes en septembre 2015, le collectif lance également des pétitions et des campagnes pour sensibiliser et rallier la population et les acteurs politiques à sa cause. La plus originale de ses actions, appelée « Wanted », consiste depuis plusieurs mois à placarder des photos de personnalités de l’ancien régime dans les rues de Tunis, « recherchées » pour corruption.

Vêtus de t-shirts estampillés du marteau de la justice, ces militants contre l’oubli ont décrété un « état d’urgence populaire » le 25 juillet, et ce jusqu’à l’abandon de la loi. « Les voleurs en prison », « la reddition des comptes avant la réconciliation » ou encore « elle [la loi] ne passera pas » furent quelques-uns des messages scandés haut et fort par des centaines de manifestants lundi. Avec, à leurs côtés, des membres de l’opposition comme Mustapha Ben Jafaar (Ettakatol), Hamma Hammami (Front populaire) Zied Lakhdar (Parti des patriotes démocrates unifié (PPDU), Mohamed Hamdi (Alliance démocratique) ainsi que plusieurs responsables des partis du courant démocratique.

« Tous ceux qui cherchent à faire passer ce projet de loi à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en s’appuyant sur la majorité parlementaire doivent assumer la responsabilité de la division du pays », a averti Mustapha Ben Jafaar avant le début de la marche, cité par l’agence TAP. « Un tel entêtement vient confirmer l’existence d’une contre-révolution », a-t-il ajouté.

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Mobilisation nationale et internationale

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Plusieurs ONG, nationales et internationales, ont également pris position contre une telle réconciliation. Parmi elles, la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), I-Watch », Al Bawsala, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), l’Observatoire tunisien de l’indépendance de la justice, Avocats sans frontières, Amnesty Internationale, ou encore le Centre international de la justice transitionnelle (ICTJ).

Un petit groupe de personnes s’était aussi rassemblé devant le consulat tunisien de Lyon le 23 juillet, et plusieurs associations en France (Association démocratique des Tunisiens en France, Médecins contre la dictature, Union pour la Tunisie, Réseau euro-maghrébin citoyenneté et culture, etc.) appellent à manifester le 26 juillet à Paris « contre le blanchiment de la corruption en Tunisie », qui « constitue un formidable encouragement aux pots-de-vin, à la contrebande et à l’économie parallèle. »

Selon Béji Caïd Essebsi, qui a remis cette loi à l’ordre du jour à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) le 29 juin, la réconciliation est nécessaire pour surmonter les divisions et remettre en marche le pays. Selon l’article premier du projet de loi, celle-ci viserait à « tourner la page du passé » en s’inscrivant « dans le cadre de la préparation d’un climat favorable, qui encourage à l’investissement, qui redresse l’économie nationale et consolide la confiance avec les institutions de l’État. »

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