Hassiba Boulmerka : « Je me souviens de chaque centimètre de cette course » des JO de 1992

Hassiba Boulmerka a offert lors des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 la première médaille d’or de l’histoire de l’Algérie sur 1500 m, alors que son pays était confronté à la montée de l’intégrisme islamique. Aujourd’hui à la tête d’une société, elle revient sur cette performance et sur sa reconversion.

La championne algérienne Hassiba Boulmerka à New York, le 9 juin 2008. © Seth Wenig/AP/SIPA

La championne algérienne Hassiba Boulmerka à New York, le 9 juin 2008. © Seth Wenig/AP/SIPA

Alexis Billebault

Publié le 27 juillet 2016 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Chaque olympiade est-elle prétexte à faire resurgir les souvenirs de cette soirée barcelonaise, le 8 août 1992, où vous avez décroché la médaille d’or du 1 500 m féminin ?

Hassiba Boulmerka : J’y pense régulièrement, mais encore plus avant et pendant les Jeux Olympiques. Je me souviens de chaque centimètre de cette course, de chaque instant, des deux cents derniers mètres où j’ai pris l’ascendant sur mes adversaires. C’était une belle soirée, le stade était plein, et j’ai ressenti une immense émotion en franchissant la ligne d’arrivée. Être une femme et apporter à l’Algérie sa première médaille d’or, dans une société arabo-musulmane, cela avait un sens particulier. Mais cette victoire, je l’avais préparée, en travaillant beaucoup, en tentant d’évacuer le stress, la pression. J’avais remporté la médaille d’or à Tokyo un an plus tôt, lors des championnats du monde. Avant la course à Barcelone, mon entraîneur m’avait dit : « Tu es bien préparée, tu vas gagner et on va rentrer en Algérie. »

Pour les islamistes, il était insupportable de voir une femme pratiquer un sport et courir en short !

la suite après cette publicité

En Algérie, cette médaille a été saluée et fêtée par une grande partie du peuple. Mais vous avez également été menacée par les islamistes…

Il faut se souvenir du contexte en Algérie. À cette époque, les islamistes gagnaient du terrain. Et pour eux, il était insupportable de voir une femme pratiquer un sport et courir en short ! J’ai reçu des menaces très précises, des menaces de mort. J’ai été placée sous protection policière jusqu’en 2007, j’ai même été obligée pendant une période de m’exiler. C’était très paradoxal. D’un côté, il y avait des millions d’Algériens heureux, alors que le pays traversait une crise politique et sociale. Et cette médaille d’or avait incité beaucoup de jeunes filles à pratiquer l’athlétisme. Et de l’autre, des fanatiques me menaçaient de mort…

J’emploie 150 personnes environ, dont d’anciens sportifs, et une majorité de femmes

Votre reconversion a-t-elle été compliquée ?

Déjà, pendant ma carrière, j’avais été licenciée de la compagnie nationale qui m’employait, car mon supérieur trouvait que j’étais trop souvent absente à cause des entraînements et des compétitions. Là aussi, c’était un paradoxe : j’étais une championne reconnue par l’État, mais une fonctionnaire licenciée… Après la fin de ma carrière, en 2000, j’ai un peu cherché ma voie. Je voulais rester dans sport, mais finalement, j’ai créé ma propre société, avec des membres de ma famille, Hassiba Boulmerka International (HBI). Je suis intermédiaire entre les laboratoires pharmaceutiques et les pharmacies. Je suis également la représentante de l’équipementier DIADORA en Algérie. J’emploie 150 personnes environ, dont d’anciens sportifs, et une majorité de femmes.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

« Nous avons encore des techniciens de qualité, mais ils font le bonheur des pays du Golfe. » © DR

Hassiba Boulmerka : « Il n’y a pas de politique sportive en Algérie »

L’Algérien Taoufik Makhloufi, vainqueur de la finale du 1500 m, le 7 août 2012 aux JO de Londres. © Adrian Dennis/AFP

Algérie : des champions pour l’éternité

Contenus partenaires