France : le Conseil constitutionnel valide la déchéance de nationalité d’un jihadiste franco-marocain

Le Conseil constitutionnel a validé vendredi la déchéance de la nationalité française d’un jihadiste franco-marocain condamné pour terrorisme. Une décision qui était très attendue par le gouvernement français qui entend utiliser ce genre de mesures dans sa lutte contre le terrorisme.

La façade du Conseil constitutionnel à Paris. © MANUEL COHEN/AFP

La façade du Conseil constitutionnel à Paris. © MANUEL COHEN/AFP

Publié le 23 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Peut-on déchoir de sa nationalité une personne condamnée pour terrorisme, à condition qu’elle ait aussi une autre nationalité ? Oui, a répondu le Conseil constitutionnel français vendredi 23 janvier.

L’instance a déclaré conforme à la Constitution le décret du 28 mai dernier qui avait déchu Ahmed Sahnouni de sa nationalité française. Ce Franco-Marocain né à Casablanca en 1970, naturalisé français en février 2003 avait été condamné en mars 2013 à 7 ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

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Le code civil français prévoit en effet qu’un individu ayant acquis la nationalité française et ayant été condamné pour "un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme" peut en être déchu par décret. Une disposition cependant interdite pour les personnes dont la mesure aurait pour effet de les rendre apatrides.

Âgé d’une quarantaine d’années Ahmed Sahnouni, à qui l’on reprochait d’avoir organisé une filière de recrutement au djihad vers l’Irak, l’Afghanistan, la Somalie et dans la zone sahélo-saharienne, avait été arrêté et écroué en France en 2010. Il est libérable fin 2015.

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"Un mauvais chiffon agité devant l’opinion publique"

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Contestant l’article 25 du code civil, son avocat, Nurettin Meseci, a dénoncé une "rupture d’égalité" entre Français de naissance et Français naturalisés, introduite selon lui par le code civil français.

"Existe-t-il des Français plus français que d’autres?", avait lancé l’avocat lors de sa plaidoirie devant le Conseil constitutionel à Paris. "Si le législateur imagine que la lutte contre le terrorisme passe par la déchéance de la nationalité, il se trompe, c’est un mauvais chiffon agité devant l’opinion publique."

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Une stratégie de "cellules dormantes"

Il avait également dénoncé la"disproportionnalité" de l’article 25 du code civil qui a fait passer en 2006 de 10 à 15 ans les deux périodes pendant lesquelles peut être prononcée la déchéance de la nationalité, après son acquisition par un binational et après examen par une commission des faits terroristes pour lesquels l’individu aura été condamné.

Critique à laquelle le gouvernement avait répondu en justifiant cet allongement par "la stratégie mise en oeuvre par certains réseaux terroristes consistant à implanter des ‘cellules dormantes’ dont certains des membres s’efforcent d’acquérir la nationalité du pays d’accueil et ne passent à l’action que longtemps après".

Pas de violation du principe d’égalité pour le Conseil constitutionnel

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel relève, comme il l’avait déjà fait en 1996 dans un autre dossier, que les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont "dans la même situation, mais que la différence de traitement instituée dans le but de la lutte contre le terrorisme ne viole pas le principe d’égalité".

Il a également jugé "conforme à la Constitution (…) l’extension des délais opérée en 2006" en relevant que "le délai de 15 ans entre l’acquisition de la nationalité française et les faits reprochés ne concerne que des faits d’une gravité toute particulière".

Une mesure utilisée dans l’éventail des outils de lutte contre le terrorisme

La décision des Sages était attendue par le gouvernement, qui entend utiliser cette mesure – exceptionnelle jusqu’à présent – dans l’éventail des outils de lutte contre le terrorisme. 

Le Premier ministre français Manuel Valls l’a rappelé mercredi : "une question légitime se pose sur les conséquences auxquelles on s’expose quand on décide de s’en prendre à la nation à laquelle on appartient, soit parce qu’on y est né, soit parce qu’elle vous a accueilli", a-t-il expliqué.

Pour les jihadistes étrangers, Manuel Valls a précisé que 28 expulsions administratives avaient eu lieu ces trois dernières années. Rappelant que pour les bi-nationaux concernés, la décision du Conseil constitutionnel était très attendue car elle aurait d’une certaine façon valeur de jurisprudence, il a aussi annoncé "une réflexion transpartisane sur la réactivation de la peine d’indignité nationale".

(Avec AFP)

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