Zimbabwe : l’arbre (volé) de Mugabe qui cache la forêt

Quand on saccage ses plantations, Robert Mugabe ne reste pas de bois. Deux jeunes Zimbawéens viennent d’être condamnés pour avoir coupé un arbre dans la propriété présidentielle de Buckland.

L’œil de Glez. © Glez / J.A.

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Publié le 28 juillet 2016 Lecture : 2 minutes.

« Mugabe sinon rien », telle semble être la devise du président zimbabwéen. Ou plutôt « Mugabe (Robert) sinon Mugabe (Grace) ». Candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2018, le chef de l’État ne fait que feindre de ne pas savoir qu’il aura 94 ans à la date du scrutin et donc 99 ans à la fin du potentiel prochain mandat. Il n’ignore pourtant pas qu’au Zimbabwe les voies de l’hypertension sont aussi impénétrables que celle de l’hyperinflation. La propulsion de son épouse à la magistrature suprême constitue donc un plan B qui empêcherait les ficelles du pouvoir d’échapper au clan familial, après 28 ans sur le trône. Mais ce n’est qu’un plan B…

Quitte à virer au culte de la personnalité, le plan A consiste à traquer tout crime de lèse-majesté qui pourrait donner du nonagénaire l’image d’un vieillard ramolli. Et des offenses au chef de l’État, il y en a jusqu’au fond des bois. Le 28 juin dernier, selon la presse zimbabwéenne, le camion de Godfrey Dhausi et Fortune Mutevedzi, deux Zimbabwéens de 26 ans, attira l’attention du personnel de sécurité dans la propriété présidentielle de Buckland. On y découvrit du bois de chauffage d’une valeur de 60 dollars. En vertu de la loi sur les forêts, les présumés braconniers ont été présentés devant un magistrat de Harare. Après avoir plaidé non coupable, les deux hommes ont été condamnés à une amende de 100 dollars chacun ou 30 jours de prison.

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Le diable se niche dans les détails

Qu’il s’agisse de la valeur du butin ou du montant des amendes, ces sommes sont bien dérisoires comparées au budget habituel des fêtes d’anniversaire du président Mugabe, lesquelles avoisinent en moyenne 40 millions de dollars. Mais le diable se nichant dans les détails, le manque de respect d’un voleur de branches vaut injure suprême. Par ailleurs, la médiatisation d’un tel micro-événement constitue tout autant un message de fermeté qu’une diversion, à l’heure où les observateurs internationaux croient deviner le début de la fin du règne de Mugabe.

Attirer l’attention sur des dérobeurs de bois de chauffe, c’est la détourner de la contestation des vétérans, soutiens traditionnellement incomparables du vieux président. Le présent du Zimbabwe inspire si peu de fierté qu’il ne reste à Robert Mugabe que la corde de la nostalgie. Mais peut-il encore gonfler sa poitrine de héros indépendantiste, si le puissant syndicat des anciens combattants de la guerre de libération de l’ex-Rhodésie devient son talon d’Achille ? La rupture est aussi symbolique qu’historique : virulents, ses compagnons de route dénonçaient, jeudi, des « tendances dictatoriales » et prévenaient qu’ils « ne soutiendraient pas un tel dirigeant » à la présidentielle de 2018.

Le vieux « Bob » et le parti présidentiel Zanu-PF n’ayant pas l’intention de lâcher les brides du régime, il leur reste à détourner le regard en accusant tout le monde de tous les maux, à l’aide d’un peu de langue de… bois. Et pourquoi ne pas reprocher à deux voleurs de brindilles de menacer l’équilibre écologique de l’ex-grenier à céréales de l’Afrique australe ? Les arbres sont chers à un chef d’État qui a pris racine…

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