Ce jour-là : le 8 août 1992, Hassiba Boulmerka offre à l’Algérie sa première médaille d’or olympique
Alors que le pays s’enfonce lentement dans la décennie noire, de l’autre côté de la Méditerranée, à Barcelone, Hassiba Boulmerka remporte le 1500 m en athlétisme. Le 8 août 1992, elle devient ainsi le symbole d’une « Algérie qui gagne », selon ses propres termes.
« Tu es bien préparée, tu vas gagner et on va rentrer en Algérie ». C’est sur ces mots de son entraîneur que la coureuse algérienne entre sur la piste olympique le 8 août 1992 pour concourir dans sa discipline fétiche : le 1500 m.
Ce jour-là, la Russe Lyudmila Rogacheva mène la course jusque dans le dernier tour. Mais là, Hassiba Boulmerka qui fait figure de favorite parvient à la dépasser avec fureur. Lorsqu’elle franchit la ligne d’arrivée, ses concurrentes se trouvent reléguées une dizaine de mètres derrière la nouvelle championne olympique. Sa victoire est éclatante.
La double championne d’Afrique (1988 et 1989) en 1500 m, couronnée championne du monde un an plus tôt à Tokyo, rafle la médaille olympique, le dernier titre qui lui manquait pour régner totalement sur la discipline.
Elle exulte, montre son maillot de l’Algérie avant de se saisir du drapeau et de saluer son public depuis la piste tout en étreignant certains de ses compatriotes.
Une victoire dédiée à l’Algérie
Il faut dire que cette victoire intervient dans un contexte bien particulier pour l’Algérie : il y a un peu plus d’un mois, le président Mohamed Boudiaf a été assassiné par un membre d’une unité d’élite de l’armée dans des circonstances troubles.
Hassiba Boummerka a elle-même été la cible de menaces de mort. À l’époque, la tenue vestimentaire relative au sport qu’elle pratique n’est pas du goût des intégristes algériens. Elle se voit donc dans l’obligation de s’entraîner à Berlin avant les JO. Tout au long de la compétition, elle est d’ailleurs protégée par une imposante escorte policière.
En ce 8 août 1992, la championne incarne plus que jamais la fierté des femmes algériennes dans un pays meurtri. « Je ne le répéterai jamais assez : ma médaille d’or a donné une bouffée d’oxygène à toutes les femmes algériennes », a-t-elle récemment rappelé dans le journal francophone algérien El Watan.
Après la course, les multiples questions des journalistes relatives à la situation de son pays agacent Hassiba. À ses yeux, la portée politique accordée à sa victoire est exagérée. Elle se défend d’être un symbole politique, mais juste « un petit bout de femme » qui a fait ce qu’elle devait faire. Elle s’adresse au journal Le Monde en ces termes : « Boudiaf, c’est un Algérien, c’est un frère, c’est un père. Ça n’est pas de la politique. Si j’aime Boudiaf, cela ne signifie pas que j’aime la politique. » Et d’ajouter : « Je veux l’Algérie qui gagne, l’Algérie courageuse. C’est ce que je veux pour l’Algérie ».
Retour dans une Algérie meurtrie
Le retour au pays de la championne olympique est à l’image de l’Algérie des années 1990. Célébrée et érigée en icône de « l’Algérie qui gagne » par une partie de la presse et de la société, elle est violemment rejetée par la frange fondamentaliste.
Comme pour mieux affirmer sa volonté d’émancipation, elle remporte une seconde fois le titre de championne du monde sur 1500 m en 1995. Sa carrière prend fin en 1998.
Hassiba Boulmerka est aujourd’hui une femme d’affaires accomplie, à la tête de la société Hassiba Boulmerka International, qui fait l’intermédiaire entre les laboratoires pharmaceutiques et les pharmacies. Parallèlement à ses activités professionnelles, Hassiba boulmerka n’a pas totalement coupé avec l’athlétisme puisqu’elle demeure représentante en Algérie d’un célèbre équipementier sportif .
Retrouvez ci-dessous les quatre pages de l’article de Faouzi Mahjoub paru dans le Jeune Afrique n°1649-1650 du 13 au 26 août 1992. N’hésitez pas à agrandir la fenêtre pour un plus grand confort de lecture en cliquant sur le bouton en bas à droite :
Victoire de Hassiba Boulmerka by jeuneafrique on Scribd
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