Tunisie : des coupures d’eau qui font monter la pression

Les perturbations à répétition inquiètent les professionnels du tourisme et agacent la population, parfois privée d’eau pendant plusieurs jours.

La Tunisie fait partie des pays les plus vulnérables au « stress hydrique ». © Msalguero/Pixabay/Creative commons

La Tunisie fait partie des pays les plus vulnérables au « stress hydrique ». © Msalguero/Pixabay/Creative commons

Publié le 3 août 2016 Lecture : 4 minutes.

« Se réveiller un dimanche du mois d’août avec la surprise d’une coupure d’eau sans date de reprise ni préavis, c’est vraiment horrible », « le débit d’eau est très faible, impossible de démarrer le lave-linge », « il fait trop chaud, comment on fait sans eau ? »… Sur la page Facebook de la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (SONEDE), les commentaires de ce genre, de plus en plus nombreux, expriment le ras-le-bol des habitants face à une situation qui touche aussi bien les zones rurales que les régions côtières.

Dans un communiqué publié le 23 juillet, la SONEDE a par exemple prévenu les hôteliers de Sousse que « la distribution en eau connaîtra des perturbations jusqu’au 31 août », les invitant à « assurer [leur] consommation quotidienne via [leur] propre bâche d’eau » durant cette période.

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Contactée par Jeune Afrique, la société en question explique les raisons de telles coupures, et les mesures prises pour y remédier.

Sécheresse et surconsommation

Depuis à peu près trois ans, les coupures d’eau sont plus fréquentes en été, explique Monia Ziadi, directrice de la communication à la SONEDE. Pas de quoi s’alarmer, selon elle, même si « la situation est plus délicate à gérer à cause de la sécheresse qui a réduit la capacité de la SONEDE de 15% par rapport à l’année dernière, du manque de ressources en eau et de la surconsommation estivale (avec la chaleur, l’arrivée des touristes et le retour des Tunisiens de l’étranger) ». Elle tient néanmoins à préciser que les habitants sont « toujours prévenus, dans la mesure du possible » par des avis de coupure ou de perturbations, et qu’il peut aussi s’agir de dégradations du matériel ou de fuites.

« Pour limiter les gênes, nous coupons souvent l’eau pendant la nuit », indique Monia Ziadi, qui explique que des mesures « immédiates et à plus long terme » sont prises dans le cadre de cette « gestion très complexe » sur tout le territoire. « Pour mieux contrôler la distribution d’eau, nous devons parfois limiter son utilisation dans certaines zones pour la favoriser dans d’autres. Plusieurs projets sont aussi en cours pour l’été prochain, comme de nouveaux forages, de nouvelles stations de dessalement, etc. »

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Les habitants sont également invités à rationner eux-mêmes leur consommation d’eau, au moins jusqu’à la fin de l’été. Interrogée sur le cas de certains habitants qui seraient privés d’eau potable depuis plusieurs mois, Monia Ziadi répond que les coupures de la SONEDE ne durent jamais aussi longtemps et qu’il s’agit plutôt de problèmes dans des zones rurales où l’eau est distribuée tant bien que mal par des associations.

Stress hydrique

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De son côté, Saad Seddik, ministre de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche, a annoncé le 28 juillet lors d’une conférence de presse que son département s’employait à trouver des solutions, parmi lesquelles l’équipement de nouveau puits et le raccordement de certaines régions désavantagées au réseau de l’eau potable.

À cause notamment d’une sécheresse croissante et d’une répartition géographique très déséquilibrée du potentiel hydrique à travers le pays, la Tunisie fait partie des pays les plus vulnérables au « stress hydrique » (ou pénurie d’eau) au cours des prochaines années, préviennent le World Resources Institute et la Facilité africaine de l’eau (FAE).

La société civile s’organise

Face à ces coupures d’eau qu’elles jugent de plus en plus problématiques, plusieurs associations tunisiennes agissent pour signaler les perturbations et garantir un droit à l’eau potable pour tous. Parmi elles, l’association « Dynamique autour de l’eau » qui a lancé la plateforme « SOS eau » fin janvier, « Eau et développement », ou encore « Nomad 08 Redeyef », à l’origine du nouvel observatoire tunisien de l’eau « Watchwater ». Présenté en mars, cet observatoire vise à collecter des informations concernant les coupures, les fuites et les mouvements de protestation liés à l’eau avec une approche participative et citoyenne, via notamment une carte interactive. Ces plaintes et alertes citoyennes, vérifiées par des bénévoles sur place, feront l’objet d’un premier rapport trimestriel qui sera publié dans quelques jours.

Le sujet est plus médiatisé cette année parce qu’il touche aussi des villes plus touristiques comme Sousse, Nabeul et Monastir, souligne Alaa Marzougui, coordinateur de l’observatoire tunisien de l’eau. « Mais certaines régions souffrent depuis des années de coupures d’eau prolongées, et les habitants s’y débrouillent comme ils peuvent. »

Mais à qui la faute ? «Avant le lancement de l’observatoire, je pensais personnellement que la SONEDE était la seule responsable de ces coupures, mais aujourd’hui, je me rends compte que la situation est plus compliquée que cela », confie Alaa Marzougui, qui évoque aussi des « fuites inexpliquées », des manques de moyens techniques, des installations parfois mal entretenues, certains chantiers bloqués par des citoyens demandant des compensations d’exploitation de leurs terres par la SONEDE, ou encore une mauvaise gestion de l’eau par les habitants eux-mêmes.

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