RDC : deuxième journée de violences à Kinshasa, l’Église demande le retrait de la loi électorale
Kinshasa a connu mardi une seconde journée de violences entre policiers et manifestants hostiles au président Joseph Kabila. Le chef de l’État est soupçonné de vouloir se maintenir au pouvoir grâce à un projet controversé de loi électorale.
Nouveaux heurts meurtriers à Kinshasa
Mardi 20 janvier, pour la deuxième journée consécutive, Kinshasa a été le théâtre de violences entres forces de l’ordre et manifestants. Les émeutes ont été déclenchées par un projet de loi électorale, examiné mardi par le Sénat, qui lie la tenue des prochaines élections législatives et présidentielle à la réalisation d’un recensement général dont les opposants craignent qu’il ne prenne des années. Outre la manifestation autour du Sénat, de nombreuses scènes de pillages ont aussi eu lieu dans plusieurs quartiers du sud et de l’ouest de la capitale.
Selon un bilan avancé mardi soir par une organisation congolaise de défense des droits de l’Homme, les heurts de lundi et mardi auraient fait 28 morts. Ce chiffre n’a pas pu être confirmé dans l’immédiat par une autre source. Les autorités affirment quant à elles que cinq personnes, dont deux policiers, ont été tuées lundi et mardi. Le gouvernement avait fait état lundi de deux policiers et de deux "pilleurs" tués. Israël Mutumbo, le porte-parole de la police, a pour sa part estimé que les violences "sont juste des pillages, il n’est plus question de manifestations contre la loi électorale".
Dans l’après-midi, une centaine de jeunes émeutiers ont pris d’assaut puis mis le feu à la mairie de la commune de Ngaba, un quartier sud de Kinshasa, et sont restés plus d’une demi-heure à regarder l’incendie ravager ce bâtiment symbole de l’État. Les forces de l’ordre étaient absentes et les rues alentour désertées.
Les autorités coupent internet
Mardi, le gouvernement a ordonné aux opérateurs téléphoniques de couper l’accès à internet à Kinshasa. Les communications SMS et l’accès à l’internet mobile en 3G ont eux aussi été bloqués, empêchant les manifestants de poster des photos ou informations sur les réseaux sociaux.
L’Église et l’opposition ensemble contre la loi électorale
L’opposition dénonce, à travers ce projet de nouvelle loi électorale, un "coup d’État constitutionnel" du président Kabila. Au pouvoir depuis 2001, il est soupçonné de vouloir se maintenir à son poste au-delà de 2016 alors que la Constitution lui interdit de se représenter.
De Bruxelles, où il se trouve en convalescence depuis le mois d’août, Étienne Tshisekedi, l’opposant historique de Kabila, a lancé un "appel solennel" au peuple pour contraindre le "régime finissant" du président Kabila à "quitter le pouvoir". "Le régime d’imposture, en place à Kinshasa, ne cesse de multiplier les actes irresponsables de provocation, plongeant ainsi la nation dans une impasse totale qui risque d’installer un climat de chaos généralisé", a averti le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), qui assure n’avoir "jamais cessé" de demander au peuple de se "mobiliser pour réclamer pacifiquement ce qui lui revient".
Dans sa lutte contre la loi électorale, l’opposition peut compter sur l’appui de l’Église catholique. Hier soir, dans un communiqué, le cardinal Monsengwo a fermement dénoncé le recours à la force utilisée pour réprimer les manifestations. "Arrêtez de tuer votre peuple", a-t-il lancé aux autorités, condamnant également toute révision de la loi électorale qui viserait "à prolonger illégalement les échéances électorales de 2016". "Nous appelons notre peuple à rester vigilant pour s’opposer par tous les moyens légaux et pacifiques à toute tentative de modifier des lois essentielles au processus électoral", a conclu le chef de l’Église catholique congolaise, avant d’adresser ses condoléances aux familles des victimes.
Les pays occidentaux vigilants
Les troubles politiques à Kinshasa sont surveillés de près par différentes capitales occidentales. À Paris, le ministère des Affaires étrangères s’est dit "préoccupé par les troubles répétés qui accompagnent le débat sur le projet de loi électorale au parlement congolais, et notamment par les violences du 19 janvier". "Il est essentiel que le cadre juridique et le calendrier global du processus électoral qui doit s’ouvrir cette année soient élaborés de façon consensuelle, dans le respect de la Constitution et des libertés publiques", a ajouté le porte-parole du Quai d’Orsay.
Même son de cloche à Bruxelles, où le chef de la diplomatie belge Didier Reynders a appellé au respect de la Constitution et exprimé sa "préoccupation à propos d’un éventuel changement du calendrier électoral".
Outre-atlantique, Washington, très attentif à la situation politique en RDC, a aussi souligné son inquiétude face aux tensions actuelles. Russel Feingold, l’envoyé spécial des États-Unis pour la région des Grands lacs, a ainsi appelé à la tenue "d’élections pacifiques, crédibles et opportunes".
(Avec AFP)
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