France : un rapport de HRW accuse la police de violences envers les migrants à Calais
L’association Human Rights Watch décrit dans un rapport les violences policières dont sont victimes plusieurs migrants de Calais. Les autorités démentent.
"Je marchais, normalement" raconte Salamou, originaire d’Erythrée. "Quatre policiers sont sortis de leur camionnette et m’ont frappé à coups de bottes et de matraque. Après m’avoir frappé, un policier a dirigé une lampe sur moi et m’a ri au nez. ‘Aidez-moi’, ai-je supplié, mais il a ri. Ils m’ont donné des coups de pieds alors que j’étais à terre, comme un chien."
Interrogé par l’ONG le lendemain des faits qu’il décrit, le jeune homme âgé de 28 présentait des blessures au nez.
Mohammad, 32 ans, originaire du Soudan, affirme lui qu’un agent de police l’a frappé dans le dos avec une matraque. "J’ai couru et je suis tombé dans un trou. La police a appelé une ambulance. J’ai passé 20 jours à l’hôpital, mon bras était cassé en trois endroits."
Au moment de l’entretien, il avait un bras dans le plâtre, comme on peut le voir dans une vidéo posé sur le site d’Human Rights Watch.
44 migrants interrogés
Au total l’ONG dit s’être entretenue avec 44 demandeurs d’asile et migrants, dont trois enfants. Près de la moitié disent avoir été battus au moins une fois par des policiers de Calais.
"19 personnes, dont deux des enfants, ont déclaré que la police les avait maltraitées au moins une fois, notamment par le biais de passages à tabac", précise l’association.
"Huit ont eu des membres fracturés ou d’autres blessures visibles, qui, selon leurs dires, ont été causées par la police à Calais et dans les environs. Vingt et un, dont deux enfants, ont confié que la police les avait aspergés de gaz lacrymogène", ajoute HRW.
>> Pour aller plus loin : Enquête sur les migrants qui décèdent en France en tentant de traverser la Manche
- Quelle est la fiabilité du rapport ?
C’est Izza Leghtas, chercheuse pour Human Rights Watch, qui a réalisé le rapport. Elle explique avoir passé "plusieurs jours à Calais" en novembre et décembre 2014 pour réaliser les entretiens avec les migrants.
Certains témoignages ont été recueillis dans les campements de fortune où vivent entre 2 000 et 2 500 migrants attendant de passer en Angletterre, d’autres aux urgences de l’hôpital où ces derniers étaient soignés.
"On est sûr de ce qu’on avance sinon, évidemment, on n’accuserait pas la police à la légère", explique Jean-Marie Fardeau directeur d’HRW sur France Info qui a dévoilé le rapport mardi 20 janvier avec le journal Le Monde.
Comme l’explique le quotidien français qui assure avoir recueillis des témoignages similaires lors de ses récents reportages à Calais, le travail d’HRW n’a cependant rien de statistique.
Un précédent en 2012
Les associations d’aide aux migrants avaient déjà dénoncé en 2012 les violences envers les migrants. La véracité de ces agissements, contesté par la hiérarchie policière, avait été établie par le Défenseur des droits, une autorité constitutionnelle indépendante chargée de défendre les droits des citoyens s’estimant victimes de discriminations.
- Que répondent les autorités françaises ?
Les blessures des migrants proviendraient de bagarres
Le préfet du Pas-de-Calais interrogé sur le sujet par France Info a déclaré que les blessures dont font état les personnes interrogées par HWR résultaient de bagarres avec d’autres migrants ou de leur tentative de passage vers l’Angleterre, mais en aucun cas d’un usage excessif et injustifié de la force par la police.
"Des allégations" non vérifiées pour le ministre de l’Intérieur
Le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve, a lui regretté de son côté que "Human Rights Watch n’ait pas pris la peine de vérifier les allégations de violences policières dont elle fait état".
Le ministre invite l’association à "saisir ces autorités des éléments tangibles qu’elle aurait pu recueillir afin que des enquêtes approfondies et impartiales puissent être menées sur ces faits".
Mais pour le directeur d’HRW il faut que le ministère de l’Intérieur se saisisse lui-même du dossier. "Les gens ne veulent pas porter plainte pour ne pas avoir de problèmes avec la police".
>> Lire aussi : Les Érythréens de plus en plus nombreux à Calais
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