Tunisie : « Si Béji » et les bajboujettes
Le tout nouveau président tunisien, appelé affectueusement Bajbouj, doit aux femmes sa victoire à la présidentielle. Et qu’un électorat féminin porte un candidat à la magistrature suprême est un événement qui mérite d’être signalé. C’est un cas presque unique dans le monde – et pas seulement dans la région arabe. Une grande prouesse que la petite Tunisie offre à la planète entière comme si cela allait de soi.
D’aucuns se sont interrogés : Pourquoi les Tunisiennes ont-elles donné leurs voix à Béji Caïd Essebsi ? C’est normal, pardi ! Elles ont refusé de mettre en péril le code du statut personnel, qui les protège. Pas question de confier les clés du pouvoir aux ennemis de l’émancipation. Les filles de Bourguiba, éveillées à la liberté et à l’égalité depuis plus d’un demi-siècle, ont dit non au candidat déguisé des islamistes, Moncef Marzouki, l’ex-militant des droits de l’homme devenu le pourfendeur des safirat – les non-voilées – et l’instance invitant à Carthage des cheikhs exciseurs et des polygames de tous poils.
Tout naturellement, Bajbouj se voit contraint de récompenser ces trois quarts féminins de son électorat. Autrement dit d’en tenir compte dans la formation du prochain gouvernement. Va falloir concéder des portefeuilles. Alain Juppé avait eu ses jupettes en 1995, BCE se doit de nommer des bajboujettes. Ce ne sera pas la parité, il ne faut pas rêver : partager le pouvoir à cinquante-cinquante entre hommes et femmes passe pour une hérésie aux yeux de beaucoup de Tunisiens. BCE a beau être un politicien rusé, il n’est pas un faiseur de miracles. On parle d’un tiers de femmes à la Casbah. Va pour un tiers. Mais pas un tiers pour de faux, s’il vous plaît ! Les Tunisiennes n’espèrent pas seulement être représentées mais valablement représentées. Elles font la distinction entre la femme alibi et la femme de la situation.
Porter le titre d’opposante de Ben Ali et d’ennemie de son parti, le RCD, prépare-t-il à devenir la meilleure garante des libertés ?
Quelques dames de la place se sont fait connaître par leur militantisme féministe, cela en fait-il des ministrables ? Porter le titre d’opposante de Ben Ali et d’ennemie de son parti, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), prépare-t-il à devenir la meilleure garante des libertés ? Prenez le cas de cette journaliste qui s’est taillé une réputation de démocrate et dont l’opportunisme politique et la proximité avec les nahdhaouis ont déçu. La polémique qu’elle a soulevée en voulant s’accaparer les archives présidentielles a remis en question sa légitimité à la tête de l’Instance Vérité et Dignité. Peut-on faire confiance à une personne qui agit en défenseur d’une chapelle plutôt qu’en gardien du temple République ? D’autres Tunisiennes ont payé le prix du sang et perdu leur époux pendant la révolution. Le peuple en a fait ses icônes, se doit-il d’en faire des dirigeantes ?
En vérité, c’est là où, justement, il convient de parler d’égalité hommes-femmes : lorsqu’il s’agit de rappeler que la qualité de la fonction prime sur le genre ; que l’on ne peut dispenser les femmes de compétence du simple fait qu’elles sont des femmes. L’exercice du pouvoir exige de l’expérience, de la technicité, de la vision. Le reste ne peut être que considération subjective, jeu de quotas et "bajboujisme" de façade. À bon entendeur, salut !
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