Gitega, future capitale du Burundi de Pierre Nkurunziza ?
Selon plusieurs responsables proches du chef de l’État, Pierre Nkurunziza, celui-ci souhaiterait faire de Gitega la prochaine capitale politique du Burundi. Une volonté qui se heurte néanmoins à un certain nombre de considérations.
Ancienne capitale du royaume de l’Urundi, Gitega est tapis sur le sol montagneux des hauts plateaux du centre du Burundi. Avec son climat frais, ses rues agréables, ses bars et ses musées, la deuxième ville du pays, berceau des tambourinaires – une part importante de la culture burundaise -, a déjà de quoi attirer les visiteurs des quatre coins du pays. Et avec le récent développement de l’activité administrative dans la région, sa fréquentation ne risque pas de chuter.
Car les hautes autorités ont choisi Gitega, qui n’est qu’à une centaine de km à l’est de Bujumbura, pour y organiser presque toutes les retraites gouvernementales depuis l’éclatement de la crise politico-sécuritaire, qui s’est cristallisée dans la capitale à partir d’avril 2015. À tel point que de nombreux Burundais commencent à évoquer une histoire de désamour entre le pouvoir et la capitale.
« Un projet incontournable »
Le gouverneur de Gitega, lui, ne cache plus son rêve : « Toutes les activités qui s’effectuent dans notre province donnent l’espoir que Gitega deviendra un jour la capitale politique du Burundi », a-t-il lancé, en mars, sur les ondes de la radiotélévision nationale. Réverien Ndikuriyo, le président du Sénat, a confirmé l’hypothèse lors d’un déplacement dans la province, le 24 juillet dernier. « Le projet du gouvernement de faire de Gitega la capitale politique est incontournable. C’est un projet du chef de l’État Pierre Nkurunziza ».
Sur le terrain, tout se passe comme si Gitega faisait peau neuve
Gitega, prochaine capitale politique du Burundi ? Cette possibilité divise l’opinion. « Ce ne sont que des discours d’hommes politiques », susurre, très sceptique, un conducteur de taxi-moto. Samuel, qui tient un restaurant-bar, le contredit aussitôt : « Les autorités l’ont dit, j’y crois fermement ! ».
En attendant, sur le terrain, tout se passe comme si Gitega faisait peau neuve. De nouvelles routes sont construites, les anciennes sont bitumées, une université supplémentaire a été érigée, un nouveau quartier est en chantier sur la colline Zege… Et des pick-up remplis de militaires et de policiers armés jusqu’aux dents passent toutes les cinq minutes dans les principales artères. « Gitega est devenue comme Bujumbura », glisse un habitant, qui refuse d’en dire plus.
Quid des nouvelles infrastructures ?
Déplacer une capitale requiert un certain nombre de préalables, estime cependant un analyste politique qui, lui aussi, souhaite garder l’anonymat. « Dire que Gitega sera bientôt la capitale politique du Burundi signifie construire, par exemple, un nouvel aéroport, de nouveaux bâtiments pour différents ministères, et déplacer les ambassades ». Or, poursuit l’analyste, si on passe outre le fait que les missions diplomatiques sont un peu perplexes à l’idée de déménager, le portefeuille du Burundi ne le permettrait pas.
Pendant ce temps, à Bujumbura, les Chinois ne ménagent pas leurs efforts pour terminer le gigantesque nouveau palais présidentiel
« Le pouvoir a eu le soutien de ses différents bailleurs pendant dix ans, il n’a jamais pensé à réhabiliter ne serait-ce que le petit aérodrome de Gitega, qui ne fonctionne presque plus. Ce n’est pas maintenant, quand tous les indicateurs financiers sont au rouge, qu’il va entreprendre d’aussi grands projets », tranche notre expert. Et de conclure : « Cette agitation est purement politique, une volonté liée à la crise actuelle. Les autorités considèrent Bujumbura comme une ville rebelle. Mais la fuir n’est pas la solution ».
Dernier détail : le budget de 2016 prévoit 51 685 802 Francs burundais (soit environ 28 000 euros) pour le ministère chapeautant l’« Aménagement du territoire et l’Urbanisme » au titre des « investissement et aéroports ». Gitega est-il au programme ? Vu la somme en question, cela semble peu probable. Et pendant ce temps, à Bujumbura, les Chinois ne ménagent pas leurs efforts pour terminer le gigantesque nouveau palais présidentiel. De quoi alimenter pendant encore longtemps la confusion sur l’avenir des deux premières villes du Burundi.
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