Quand l’esprit de Thomas Sankara est trahi par des expertises réalisées hors d’Afrique

La jeunesse consciente, fille adoptive qui reçut directement de Thomas Sankara la mission historique de prendre sa relève, s’est-elle posé la question suivante un seul instant : pourquoi a-t-on ordonné des expertises sur le corps du président, hors du pays, hors du continent ? Comment ce choix a-t-il été fait ?

Thomas Sankara à Harare, le 2 septembre 1986. © AFP

Thomas Sankara à Harare, le 2 septembre 1986. © AFP

Idrissa Diarra
  • Idrissa Diarra

    Idrissa Diarra est géographe et fonctionnaire burkinabè, secrétaire exécutif du Mouvement de la génération consciente du Faso (MGC/Faso, panafricaniste).

Publié le 10 août 2016 Lecture : 2 minutes.

Le père de la révolution burkinabè, en effet, ne pouvait prononcer aucun discours solennel sans dénoncer et condamner avec fougue l’impérialisme et le néocolonialisme avec leurs variantes subtiles pernicieuses. Où est passé ce discours, cette ferveur, cette flamme, et cette pensée panafricaniste chez ses héritiers ? Où est passé ce musée idéologique authentique?

Il est aisé d’imaginer que Sankara aurait préféré un repos tranquille dans sa demeure tombale à une expertise ADN totalement incertaine sur son précieux corps, de surcroît hors du Burkina Faso, hors du continent africain, hors de l’espace idéologique révolutionnaire, près de trois décennies après son assassinat ! Même si le Burkina Faso accuse des lacunes et un retard scientifique insultants au 21e siècle, faut-il comprendre qu’une telle expertise génétique est impossible en Afrique ?

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L’exploration scientifique du corps de ce panafricaniste qui a toujours prôné le développement endogène à travers le concept de « consommons burkinabè », voire panafricain, dans une situation où il n’était nullement question d’urgence de vie ou de mort, aurait pu faire l’objet d’une réflexion plus poussée au sujet de ceux qui auraient la responsabilité de la réaliser.

Les choses étant déjà consommées cependant, on peut se poser la question de savoir si des précautions ont été prises pour conserver l’essentiel du corps ici au pays, en gardant ainsi la possibilité de refaire ultérieurement d’autres analyses, éventuellement de façon endogène ou autonome, le moment venu.

De tels résultats ne peuvent que nous laisser perplexe, d’autant que l’on a connu des réponses floues du même genre dans d’autres affaires au Faso

Ces propos relèveraient de l’impertinence si seulement, plusieurs mois après le début de l’expertise, les résultats étaient précis et concluants. Mais, il n’en est rien ! Les premiers échos des résultats qui nous parviennent ne sont pas rassurants : l’état de dégradation des éléments génétiques présentant un intérêt est tel qu’il est difficile d’aboutir aux conclusions souhaitées. De tels résultats ne peuvent que nous laisser perplexe, d’autant que l’on a connu des réponses floues du même genre dans d’autres affaires au Faso. Ne dit-on pas que « chat échaudé craint l’eau froide » ?

Nous savons que les momies pharaoniques de l’Égypte antique, vieilles de plus de 3000 ans, arrivent à révéler bien souvent des résultats fort intéressants sous la manipulation experte d’égyptologues. L’on nous rétorquera à coup sûr que les momies ont été conservées dans certaines conditions, sous des pyramides, à l’abri des intempéries… Mais quoi qu’il en soit, le capitaine Thomas Sankara demeure vivant via ses brillantes œuvres historiques et l’héritage idéologique qu’il a légué à ses filles et fils spirituels africains.

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