La start-up africaine de la semaine : Alto, la machine à vapeur marocaine
Pour diminuer la facture énergétique des grandes industries, l’ingénieur marocain Mehdi Berrada a sa solution. Il développe depuis 2012 des centrales solaires thermiques commercialisées par sa société Alto Solution. Non sans peine.
Encore au stade de pilote, ces centrales devraient être fournies clés en mains à des industries qui ont particulièrement besoin de chaleur, comme les usines de matériaux de construction ou les laiteries par exemple.
Les industries d’abord, avant de s’attaquer à l’hôtellerie et au chauffage urbain
Se substituant au gaz et au fuel, le procédé, inventé par la société canadienne Rackam, produit de l’énergie en transformant la chaleur en vapeur.
La technique ? « On a développé des collecteurs cylindro-paraboliques [longs miroirs, ndlr] qui concentrent les rayons solaires sur un tube caloporteur (qui transporte de la chaleur). De l’eau sous pression s’écoule dans ces tubes et monte en température jusqu’à 450°C. Cette eau subit ensuite une détente flash pour se transformer en vapeur et alimenter le réseau de vapeur d’une industrie qui utilise cette énergie en fonction de son besoin », explique le fondateur.
S’adressant uniquement aux industriels en attendant peut-être un jour de séduire le secteur de l’hôtellerie ou d’être utilisée pour le chauffage urbain, la technologie présente trois avantages. “Sur le long-terme, la chaleur produite revient moins cher : 0,35 dirhams du kilowattheure”.
Une différence qui se fait pourtant peu sentir actuellement par rapport aux énergies combustibles qui approchent des 0,40 dirhams, note-t-il, mais qui se révèle avantageuse quand le pétrole est à un niveau haut. “En 2014, on était deux fois moins cher que le fuel”.
L’argument du prix mais des ventes qui piétinent
Alors que les cours de l’énergie sont indexés sur les cours du pétrole et alors que “le coût du fuel varie tous les 15 jours”, la technologie facilite aussi une maîtrise des coûts sur le long-terme assurant ainsi une indépendance énergétique à l’industriel.
Mais pour convaincre que sa technologie fonctionne, Mehdi Berrada doit commencer par vendre des pilotes. Car son grand objectif réside à long-terme dans la fourniture au Maroc et au sud du Sahara de zones industrielles durables “qui seront organisées autour du solaire et qui fourniront de la chaleur à tous les industriels avec des panneaux photovoltaïques en toiture”.
Il a déjà mis en service 50 kilowattheures d’une centrale sur le site de la Coopérative Agricole de Taroudant (COPAG), deuxième opérateur laitier du Royaume après Danone. À terme, il veut y déployer les deux mégawatts thermiques.
Mais ce diplômé de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Strasbourg et de l’Université de technologie de Compiègne (UTC), passé par Veolia et l’entreprise hollandaise Lenntech, spécialisée dans le traitement et la purification de l’eau, a appris ce qu’il faut de la patience pour monter un projet.
Son développement a pris un an de retard. N’ayant pas de mise de fond de départ, Alto a continué à développer ses capacités d’auto-financement via notamment la commercialisation de panneaux photovoltaïques. Il le confesse : “Il est très dur de lever des fonds au Maroc pour des projets industriels innovants”.
Un premier apport de 1 750 000 dirhams
Alto bénéficie néanmoins, en plus de petits investisseurs privés, d’une aide du fonds de subvention à l’innovation Intilak de 1 750 000 dirhams (155 000 euros), versés par tranches. Un million a été perçu pour le moment. Le projet aurait besoin de 2 à 3 millions…
Et Mehdi Berrada qui s’était donné à l’époque trois ans pour recueillir l’essentiel de cette somme a dû repousser l’échéance. Ce qui n’empêche pas la société de compter 5 salariés, et un board de conseillers parmi lesquels le Suisse Mauro Pedretti, membre de l’académie des sciences suisse, l’ex-directeur Innovation de Sanofi, Mohammed Charki, et un avocat basé dans la Silicon Valley, Samir Elamrani.
Si les centrales solaires thermiques tardent, Alto travaille aussi à un concept de dessalinisateur qui permettrait de réduire les coûts de dessalement et ainsi soulager le pays du stress hydrique auquel il est confronté. “Nous sommes actuellement en négociation avec un grand groupe industriel marocain pour mettre en place un pilote en milieu réel d’utilisation”, avance Mehdi Berrada, sans en dire davantage.
À l’aune de la COP 22, la conférence internationale sur le climat qui se tiendra en novembre 2016 à Marrakech, l’entrepreneur regrette de ne pas pouvoir s’intégrer davantage dans les projets solaires marocains.
Si le pays affiche des objectifs ambitieux en matière d’énergie renouvelable (solaire et éolien), « mis à part les grandes centrales solaires de Masen [Agence marocaine de l’énergie solaire, ndlr], il n’y a aucun mécanisme pour l’énergie solaire dans l’industrie, aucun mécanisme de soutien pour des opérateurs petits et moyens, pas de cadre incitatif” déplore-t-il.
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