Mali, le défi de la jeunesse

Un simple bâton à la main, ils étaient venus signifier leur mécontentement face à l’accord de paix, certes primordial, mais qui tarde trop à porter ses fruits dans le nord du Mali.

Abraham vit à Bamako © Robin Taylor/Flickr/ Creative Commons

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Publié le 2 septembre 2016 Lecture : 4 minutes.

Abraham vit à Bamako © Robin Taylor/Flickr/ Creative Commons
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Mali mélo à mi-mandat

Ibrahim Boubacar Keïta avait promis de rétablir la sécurité et l’autorité de l’État, d’accélérer le développement, en particulier dans le Nord, et de restaurer la bonne gouvernance. Trois ans après son élection, aucun de ces chantiers majeurs n’a encore abouti. Même si, sur tous les fronts, les choses ont progressé.

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Cette colère spontanée des jeunes de Gao, désabusés, endeuillés par le décès de trois des leurs lors d’affrontements avec les forces de l’ordre le 13 juillet, n’est que la manifestation d’un malaise plus profond qui ne date pas d’hier.

Qu’ils soient de Bamako, de Kidal, de Ségou, de Mopti ou de Tombouctou, leurs attentes sont en réalité les mêmes depuis bien longtemps : trouver un travail, s’insérer dans la société, vivre dignement. Et comme aujourd’hui près de 54 % de la population malienne a moins de 18 ans, les autorités ne peuvent que redoubler d’attention à l’égard des inquiétudes et revendications de ces jeunes qui, demain, décideront du sort du pays.

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Face au danger de radicalisation, le président, Ibrahim Boubacar Keïta, semble avoir compris le message. Dès le 14 juillet, dans un bref message à la nation, il déclarait s’incliner « devant la mémoire des jeunes gens fauchés dans la fleur de l’âge », lançant en conclusion : « La jeunesse résiliente de Gao doit savoir que je ne l’oublierai jamais ! »

Cette colère spontanée des jeunes de Gao, désabusés, endeuillés par le décès de trois des leurs lors d’affrontements avec les forces de l’ordre le 13 juillet, n’est que la manifestation d’un malaise plus profond qui ne date pas d’hier. Qu’ils soient de Bamako, de Kidal, de Ségou, de Mopti ou de Tombouctou, leurs attentes sont en réalité les mêmes depuis bien longtemps : trouver un travail, s’insérer dans la société, vivre dignement. Et comme aujourd’hui près de 54 % de la population malienne a moins de 18 ans, les autorités ne peuvent que redoubler d’attention à l’égard des inquiétudes et revendications de ces jeunes qui, demain, décideront du sort du pays.

Face au danger de radicalisation, le président, Ibrahim Boubacar Keïta, semble avoir compris le message. Dès le 14 juillet, dans un bref message à la nation, il déclarait s’incliner « devant la mémoire des jeunes gens fauchés dans la fleur de l’âge », lançant en conclusion : « La jeunesse résiliente de Gao doit savoir que je ne l’oublierai jamais ! »

Il n’aura échappé à personne que cet épisode s’est déroulé dans la première ville libérée par les Famas et l’armée française lors de l’opération Serval en janvier 2013. Dans cette cité des Askias, carrefour entre le Nord et le Sud, où la jeunesse a toujours su faire entendre sa voix et imposer ses conditions.

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En avril 2012, ces mêmes jeunes s’étaient rassemblés dans les rues de la cité, derrière la banderole « Nous pas bouger », en scandant l’hymne national, pour dénoncer la prise de la ville par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), qui voulait couper le pays en deux. En août 2012, ces mêmes jeunes avaient envahi la place centrale de Gao (rebaptisée place de la Charia) pour s’opposer à l’amputation du bras d’un jeune voleur par les combattants du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Aujourd’hui, alors qu’ils ont recouvré la liberté, ces mêmes jeunes veulent pouvoir en jouir.

Lgaoa jeunesse malienne veut qu’on l’écoute et lui fasse confiance

Le grand intellectuel Amadou Hampâté Bâ, natif de Bandiagara, avait vu juste lorsqu’il écrivait, en 1985, dans sa lettre à la jeunesse : « Jeunes gens, derniers-nés du XXe siècle, vous vivez à une époque à la fois effrayante par les menaces qu’elle fait peser sur l’humanité et passionnante par les possibilités qu’elle ouvre dans le domaine des connaissances et de la communication entre les hommes. La génération du XXIe siècle connaîtra une fantastique rencontre de races et d’idées. Selon la façon dont elle assimilera ce phénomène, elle assurera sa survie ou provoquera sa destruction par des conflits meurtriers. »

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En 2016, la jeunesse malienne veut qu’on l’écoute et lui fasse confiance. Face aux difficultés de la vie, au défi sécuritaire, elle trouve souvent des solutions. Le système D, l’entraide font encore des miracles. Aux banques, aux chefs d’entreprise d’accompagner ou de canaliser cette énergie-là pour le plus grand bénéfice d’un pays qui regorge de richesses et d’idées ! Ces jeunes ne sont pas plus violents que ceux des générations précédentes. Qu’on les retrouve au « grin » à refaire le monde ou entassés dans les stades pour acclamer leurs dieux du rap, les arrière-petits-enfants de Modibo Keïta veulent avant tout vivre et s’amuser. De « l’enjaillement à l’état pur », comme au lendemain des indépendances, lorsqu’on célébrait la liberté et l’ébauche d’une nation nouvelle.

Si les temps ont changé, si ces jeunes Maliens, plus individualistes et plus matérialistes, rêvent de rouler dans de belles voitures, ce qu’ils désirent avant tout c’est de pouvoir le faire ici, au Mali, sans être obligés d’aller risquer leur vie sur des bateaux de fortune. Et une chose est sûre : la reconstruction du pays se fera avec eux ou elle ne se fera pas.

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