Jean Ping : « L’opposition gabonaise est en ordre de bataille pour remporter la présidentielle »

Programme électoral, union de l’opposition, ambiance de campagne… À quelques jours de l’élection présidentielle au Gabon, le 27 août prochain, les candidats qui affronteront Ali Bongo Ondimba expliquent leurs propositions à Jeune Afrique. Premier à s’exprimer : Jean Ping, au lendemain d’une journée charnière pour sa campagne.

L’opposant Jean Ping. © Vincent Fournier pour JA

L’opposant Jean Ping. © Vincent Fournier pour JA

Publié le 17 août 2016 Lecture : 4 minutes.

L’ancien président de la Commission de l’Union africaine peut en effet afficher un large sourire, après les ralliements de l’ancien président de l’Assemblée nationale Guy Nzouba-Ndama et de l’ancien Premier ministre Casimir Oyé Mba.

Après de longues tractations, ces deux anciens candidats de taille ont en effet annoncé lors d’un meeting à Libreville, mardi 16 août, qu’ils se rangeaient derrière Jean Ping, rebattant ainsi les cartes à dix jours d’une élection à un tour.

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Au lendemain de cette annonce, l’ancien directeur de cabinet et ministre d’Omar Bongo Ondimba est revenu sur ces ralliements inattendus et livre son analyse des clés d’un scrutin à haut risque. Interview.

Jeune Afrique : L’opposition est-elle en ordre de bataille pour remporter l’élection ?  

Jean Ping : Depuis hier, l’opposition gabonaise est en ordre de bataille pour remporter cette présidentielle. Je peux vous dire que n’importe qui – et a fortiori nous –  peut battre Ali [Bongo Ondimba, NDLR] et va battre Ali à la régulière.

Il y a plusieurs types de candidats : il y a ceux que nous appelons l’opposition véritable et il y a les candidats alignés pour nous distraire et nous enlever des voix. S’agissant de ceux que nous appelons les candidats de l’opposition véritable, nous nous rencontrons, nous discutons et nous arrivons comme c’est le cas hier à un accord de candidature unique. Nous appelons ceux qui le souhaitent à nous rejoindre.

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Qu’en est-il de l’accord conclu avec Casimir Oyé Mba et Guy Nzouba-Ndama ?

Nous avons signé un accord politique. Nos états-majors respectifs discutent des programmes de manière à n’en faire qu’un en trouvant des convergences. Il y a des mesures urgentes à prendre : il faut que nos équipes de campagne fusionnent et que nous intégrions les scrutateurs des trois candidats pour en faire un seul groupe. Nous suivrons les urnes jusqu’au bout et des brigades anti-fraudes seront mises en place partout.

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Allez-vous mutualiser vos moyens financiers ?

Évidemment. Et pas seulement financiers, nous allons également fusionner les moyens humains, logistiques et techniques.

Il y a lieu de rétablir immédiatement les libertés fondamentales

Avez-vous discuté des rôles qu’auraient Guy Nzouba-Ndama et Casimir Oyé Mba en cas de victoire ?

Au Gabon, on dit qu’il ne faut pas dépecer l’éléphant avant de l’avoir abattu. Mais ce sont des choses qui, tôt ou tard, doivent êtres examinées.

Si vous êtes élu, quelle serait votre première mesure ? 

J’ai dix mesures urgentes. Et parmi ces dix mesures urgentes, il y a lieu de rétablir immédiatement les libertés fondamentales. C’est assez simple puisque cela ne dépend que de la mise en place des instruments de la démocratie, des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance.

Un exemple : chez nous la justice est aux ordres, on lui donne des instructions pour mettre en prison les voleurs de poule pendant que les auteurs de crimes rituels sont en liberté. Nous corrigerons immédiatement ce système en créant une justice indépendante et impartiale.

Le Gabon va-t-il mieux en 2016 qu’en 2009 ? 

La situation du Gabon s’est constamment dégradée et nous sommes aujourd’hui au bord du chaos. Tous les chiffres le montrent, les grèves le montrent, les manifestations le montrent. Et avec la crise pétrolière, cela ne peut pas s’être amélioré, c’est évident.

Comment qualifieriez-vous l’ambiance de cette campagne électorale ? 

La campagne est caractérisée par le non respect des lois. On nous interdit toutes les places publiques : Ali peut se réunir dans tous les stades du Gabon pendant que nous nous réunissons dans des terrains vagues. On nous refuse tout. Et parfois, on nous envoie la police pour disperser nos manifestations.

Le Gabon est-il selon vous toujours trop dépendant au pétrole ?

C’est un fait que nous regrettons. Nous déplorons depuis longtemps cette dépendance. Mais il ne s’agit pas seulement de la déplorer ; il s’agit de passer aux actes pour que l’économie se diversifie. Le Gabon est un pays très riche en pétrole, en manganèse, en or, de par sa forêt… Il s’agit donc de résoudre la contradiction et le paradoxe d’un pays très très riche dont la population est très très pauvre.

Nous sommes partisans d’une réforme totale, pas seulement du système électoral : il faut mettre à plat toutes les institutions

Êtes-vous partisan d’une réforme électorale ? 

Nous sommes partisans d’une réforme totale, pas seulement du système électoral : il faut mettre à plat toutes les institutions. En 1991, nous avions adopté une Constitution consensuelle suite à la conférence nationale. C’était un bon texte. Progressivement, nous sommes revenus en arrière. Un exemple : la Constitution préconisait l’alternance car celui qui accédait au pouvoir ne pouvait faire que deux mandats de cinq ans, pas plus. Nous sommes revenus à sept ans sans limitation de mandat, nous sommes revenus à un tour. On ne voit ça qu’ici. Cela ne peut plus durer.

Nous reviendrons à la Constitution de 1991 avec tout ce qu’elle prévoit. Nous verrouillerons un certain nombre de choses, comme le système de deux mandats non renouvelable.

En matière de diplomatie, quel partenaire souhaiteriez-vous privilégier, si vous accédiez au pouvoir ? 

Avec l’Europe et singulièrement la France, nous avons des relations historiques, de bonnes et de moins bonnes puisque nous avons été colonisés par la France. Nous avons des liens culturels et nous parlons des langues européennes : le français chez nous, l’espagnol en Guinée équatoriale, le Portugais… Nous ne parlons ni russe ni chinois. On ne choisit pas ses voisins comme on ne choisit pas sa famille. Il s’agira donc forcément de l’Europe et singulièrement de la France.

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