Maroc : la discrète – mais bien réelle – confrontation entre pro et anti-burkini

Comme en Europe, le port du burkini provoque des remous au Maroc, au point que certaines piscines privées ont interdit la baignade à celles qui le portent.

Le burkini était de plus en plus visible sur les plages de la ville de Marseille durant l’été 2016. Le maire de Cannes a interdit son port, invoquant une atteinte aux principes de la laïcité. © AP/SIPA

Le burkini était de plus en plus visible sur les plages de la ville de Marseille durant l’été 2016. Le maire de Cannes a interdit son port, invoquant une atteinte aux principes de la laïcité. © AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 17 août 2016 Lecture : 2 minutes.

« Je ne supporte pas de les voir à la plage. Habillées comme des ninjas, elles me font peur. » Comme beaucoup de Marocaines qui font bronzette cet été sur les côtes, Dounia, 35 ans, est choquée de voir autant de femmes en burkini, tenue islamique couvrant le corps de la tête aux pieds. « Elles se multiplient comme des champignons. Bientôt, elles vont nous chasser !», grommelle la jeune casablancaise au joli bikini rose fluo.

Couvrez ce corps que certains ne sauraient voir

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Cette année encore, le burkini suscite une polémique au Maroc, alimentée par les interdictions décrétées par certains maires en France pour cause de danger islamiste et d’incompatibilité avec le principe de laïcité.

Les femmes en burkini n’en sont pas à leur premier été de médiatisation. Leur vue suscite curiosité et malaise chez les baigneurs. « Mais personne n’ose les approcher ou leur faire des remarques. Après tout, nous sommes dans un pays musulman et sommes habitués à voir parfois des femmes se baigner avec leurs vêtements par pudeur », remarque Intissar, 25 ans, étudiante universitaire et militante féministe. Franchement anti-burkini, elle dénonce « la schizophrénie » de ces baigneuses atypiques qui se disent libres alors qu’elles dissimulent leur corps.

Le phénomène prend une ampleur telle que certaines piscines privées ont interdit le port de la fameuse combinaison, à l’instar du parc casablancais Tamaris Aquaparc, car « contraire à l’hygiène ». Mêmes raisons invoquées par Oasiria à Marrakech, le premier parc aquatique du Maroc, où on nous précise que le burkini est interdit sur la plage « mais que les femmes qui souhaitent le porter ont à leur disposition une piscine exclusivement réservée à la gent féminine».

Le burkini, un marché juteux

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Contrairement à ce qui se passe en France, l’interdiction du burkini au Maroc n’émane, pour le moment, que de quelques établissements privés sans que les autorités ne soient impliquées de près ou de loin. Il est d’ailleurs peu probable que l’État aille dans le sens du bannissement. « Nous sommes dans un pays musulman et engagé dans le respect des libertés individuelles. Porter ou pas le burkini, quel est le problème ? », fait remarquer Sara, 27 ans. Cela fait 12 ans qu’elle a choisi ce vêtement pour se baigner, depuis qu’elle a décidé de mettre le voile. À cette époque, il fallait le commander à l’étranger, dans des pays du Moyen-Orient, à des prix oscillant entre 2000 et 2500 dirhams (entre 200 et 250 euros).

Mais depuis quelques années, les produits turcs à bas prix ont envahi le marché. Dans les souks, cette combinaison intégrale est vendue à partir de 300 dirhams (30 euros). Bleu ciel, rose fuchsia, vert pistache… Il y en a pour toutes les couleurs et pour toutes les bourses.

Je ne heurte personne. C’est mon choix

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« Comme beaucoup de jeunes femmes, je mets le burkini par pudeur. Cela me désole qu’il soit interprété comme une forme de radicalisation religieuse ou que l’image de la femme soit réduite à un simple choix vestimentaire. Je ne heurte personne », lance Sara.

Entre pro et anti-burkini, chacun a sa propre interprétation de la liberté dans un pays qui n’en est pas à sa première confrontation entre modernistes et conservateurs. Si les premiers voient dans cette tenue intégrale l’image du « corps de la honte », les deuxièmes assurent qu’elle a permis à beaucoup de femmes pudiques, jeunes et moins jeunes, de pouvoir profiter des plages de leur pays. En toute liberté.

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